Pour être l'une des plus engagées dans le mouvement citoyen, la coordination des Ouacifs s'est distinguée ces derniers temps par une nouvelle stratégie de lutte basée sur “l'intelligence dans l'action”. Son représentant, qui n'est autre que l'une des figures de proue de la dynamique citoyenne, Idir Aït-Maâmar en l'occurrence, nous en parle tout en s'attardant sur d'autres points d'actualité, inhérents à ce combat de citoyenneté. LIBERTE : Votre coordination, l'une des plus en vue de la dynamique citoyenne, vient de se distinguer à l'occasion de la grève illimitée de la CADC pour exiger la libération des détenus. IDIR AIT-MAÂMAR : Je dois d'abord souligner qu'il n'a jamais été question de grève illimitée, mais d'une grève générale jusqu'à nouvel ordre, et la différence est de taille. Quant au fait que notre coordination se soit distinguée, il ne s'agissait pour nous que d'être à l'écoute de notre population qui, au passage, n'a rien à démontrer au plan de son engagement ou de son adhésion aux mots d'ordre du mouvement citoyen. Votre position ne voile-t-elle pas un certain dysfonctionnement de votre structure ou ne relève-t-elle pas d'un manque de perspectives dont, justement, vos adversaires vous accusent ? Le fait de n'observer qu'une journée de grève pour nos commerçants et d'épargner le secteur éducatif qui souffre d'un grand retard ne montre en rien un dysfonctionnement d'autant plus que nous avons émis des réserves lors du conclave par rapport à l'opportunité de la grève en ce moment précis et aussi par rapport au secteur éducatif. Au demeurant, c'est la première fois que notre coordination se démarque quelque peu d'un consensus élaboré à la hussarde pour montrer toute notre vigilance quand les enjeux qui entourent une action sont sérieux. Nous travaillons étroitement avec notre population qui ne peut nous pardonner notre manque de circonspection et de lucidité alors que le mouvement citoyen subit des coups de boutoir qui cachent mal l'envie morbide de le torpiller. N'avez-vous pas peur d'être accusé par vos pairs d'avoir abandonné vos camarades de combat croupissant dans les cachots du pouvoir ? Nos pairs connaissent bien l'esprit de solidarité qui nous anime à tout moment, et l'intelligence aujourd'hui est d'épargner la vie de nos camarades détenus en grève de la faim. C'est tout le sens qu'on voulait donner à notre appel rédigé en interwilayas pour qu'ils cessent cette action combien courageuse et honorable, mais aussi porteuse de risques très sérieux. Par ailleurs, cette action que livrent nos camarades s'inscrit dans le cadre de la continuité de la lutte même en prison étant entendu pour tous que la finalité est la satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur explicitée à Larbâa Nath Irathen. Vous parlez d'intelligence qui doit désormais prévaloir au sein du mouvement. Peut-on en savoir plus? Il est plus normal de parler d'intelligence comme une donnée fondamentale à tout moment, même s'il est vrai qu'il faut amorcer ce virage de la présidentielle avec un maximum de prudence pour éviter les pièges des calculs de clans qui ne font que faire perdurer la crise. Les manœuvres ont déjà commencé, et l'intelligence conjuguée à la lucidité exige de nous de tirer notre épingle du jeu afin de ne pas faire les frais de promesses hasardeuses qui ne peuvent être que de la poudre aux yeux le temps que la caravane présidentielle passe. On parle ces jours-ci d'un autre round de dialogue... En effet, un journal arabophone a fait état de pourparlers entre le pouvoir et certains délégués originaires de wilayas impliquées dans le mouvement citoyen hormis la wilaya de Tizi Ouzou. S'agit-il d'une tentative de division ou de diversion ? En tout cas, la vigilance doit être de rigueur. Cependant, ce problème de dialogue doit être tiré au clair pour que l'opinion sache à quoi s'en tenir. Bien sûr que le concept de dialogue est noble en soi, mais à condition que ce ne soit pas une souricière permettant de cerner le mouvement et fixer les animateurs qui peuvent infléchir une division dans un sens ou dans l'autre. Depuis maintenant vingt mois, le commun des mortels aura remarqué que l'objectif du pouvoir n'est point de satisfaire les revendications citoyennes, mais de dénoncer la crise avec l'exception de normaliser une région frondeuse afin que la contagion ne gagne pas d'autres régions du pays. Aussi, nous disons à tous ceux qui, consciemment ou inconsciemment se prêtent à ce jeu, que les appels du pouvoir au dialogue ne peuvent être interprétés que comme des effets d'annonce pour une consommation externe afin de montrer une souplesse qui, malheureusement pour lui, cache mal la poigne de fer répressive qu'il nous réserve au quotidien Comment concevez-vous la suite à donner à votre combat ? L'essentiel, aujourd'hui, est de faire en sorte à ce que le bras de fer soit finalement en faveur de toutes les forces démocratiques pour imposer un changement radical après tant de sacrifices consentis et une avancée technologique telle qu'elle devient antinomique avec des pratiques dictatoriales qui ne servent que de petits potentats nombrilistes alors que le destin de toute une nation est en jeu. Il faut enfin souligner que la plate-forme d'El-Kseur qui peut paraître dogmatique pour certains est réellement objective et réaliste pour peu qu'on l'appréhende avec des paramètres de 2 000 et non de 1970. Disons que notre force réside en nous, et qu'il faut cesser de dilapider un capital engrangé laborieusement en optant pour des solutions qui ont montré leurs limites ou pour un jeu de substitution politicien qui ne sert que des intérêts étroits. Soyons justement dignes de Abane Ramdane dont on loue tant les mérites pour que l'histoire ne nous condamne pas à être de petites gens alors que la cause est autrement plus grande et plus noble. A. K.