26% des collégiens fumeurs révèlent avoir commencé à consommer la cigarette avant l'âge de 10 ans. Dans les lycées, notamment ceux de la capitale, cette proportion monte à 40% des élèves de sexe masculin. “Dans la rue, les vendeurs de cigarettes sont des enfants. En toute logique, ce sont des fumeurs au même titre que de nombreux adolescents constituant le gros de leur clientèle”, assène Mustapha Khiati. Son constat est étayé par les résultats d'une enquête nationale de l'organisation qu'il préside, la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem). Ces conclusions publiées, hier, sont le reflet d'une déperdition inquiétante que les parents, l'école et les collectivités locales observent négligemment ou avec impuissance. Souvent, de jeunes vendeurs de tabac et de chique installent leurs étals à proximité des établissements scolaires. Des élèves s'y servent allègrement, dans l'indifférence des passants et des responsables de leur école. Les chiffres fournis par la Forem illustrent cette passivité désastreuse. Les victimes se comptent par milliers et sont de plus en plus jeunes. Sur 1 400 collégiens de l'est d'Alger ciblés par l'enquête, 26% ont révélé avoir commencé à fumer avant l'âge de dix ans. Outre la capitale, deux autres wilayas, Aïn Defla et Ouargla, ont fait l'objet d'investigations similaires. “Nous avons voulu avoir un aperçu sur l'ampleur du tabagisme en milieu scolaire au niveau national, en choisissant une ville représentative des trois zones géographiques du pays, le littoral, les Hauts-Plateaux et le Sud”, explique le docteur Khiati. Un échantillon, englobant près de 6 000 élèves dont 4 500 lycéens, a répondu au questionnaire de la Forem. À lui seul, le sondage effectué auprès des collégiens d'Alger est édifiant. Parmi les 1 400 élèves interrogés (leur âge varie de 11 à 15 ans), 14,5% sont accros à la nicotine, dont 1,5% de filles, alors que 5% chiquent. Cette dépendance au tabac est établie à travers le taux de consommation par élève. 11% déclarent fumer plus d'un paquet de cigarettes par jour. Ils s'en vantent presque bien qu'une proportion assez importante (75%) soit informée des dangers du tabac. L'inconscience des adolescents est favorisée par un environnement propice. Dans 40% des cas, les parents eux-mêmes sont des fumeurs. Pis, il arrive que les enseignants fument en classe. 9% des collégiens sondés ont confirmé cet état de fait. Aussi s'empressent-ils d'imiter leurs professeurs, encouragés par une ambiance de totale désinvolture et d'absence d'autorité. Si la majorité (51%) choisit la rue pour tirer quelques taffes, 21% exhibent une cigarette aux lèvres à l'intérieur de l'école. 4% fument en classe. Bénéficiant d'autant de liberté, les collégiens devenus lycéens persistent dans leur conduite. Plus hardis, ils entraînent des camarades dans leur sillage. Sur quelque 2 664 élèves de 20 établissements de la capitale, près de 40% des garçons s'adonnent à la consommation de la cigarette contre 8,27% de filles. 50% de mâles épuisent jusqu'à un paquet quotidiennement. 12% dépassent volontiers ce cap. N'étant pas spécifique à Alger, cette accoutumance s'est vérifiée auprès des lycéens de Aïn Defla et de Ouargla. Dans la première wilaya, 18% des fumeurs sondés à travers 16 établissements confient griller plus d'un paquet de cigarettes par jour. Ils comptent parmi les 15% de fumeurs sur une population globale de 961 lycéens. À Ouargla, l'échantillon établi suite à une prospection dans les 5 établissements de la wilaya compte 17,3% d'amateurs de tabac. À l'opposé de la capitale, le nombre de consommatrices est très réduit dans l'Algérie profonde. La proportion des parents fumeurs est également infime. À ce propos, la Forem relève que “dans le Sud, la nouvelle génération fume plus que celle qui la précède”. Epinglée, l'éducation nationale est appelée à “faire preuve de plus de rigueur dans l'application de la réglementation anti-tabac”. C'est en tout cas le vœu du Dr Khiati. “Il y a trois ans, nous avons initié un partenariat avec le ministère nous permettant d'ouvrir des locaux dans les écoles en vue de sensibiliser les élèves. Mais cela n'a pas marché”, déplore-t-il. En dépit de cette absence de collaboration, la Forem ne baisse pas les bras. Deux autres enquêtes sur la toxicomanie et la consommation d'alcool dans les établissements scolaires sont en phase de réalisation. Samia Lokmane