Près de 60% des lycéens et collégiens de la wilaya sont des fumeurs invétérés. Pourtant, ils n'ignorent point le danger que constitue ce fléau aussi bien sur le plan santé que psychologique. En effet, une enquête menée par nos soins à Souk Ahras-ville, sur un échantillon de 6 lycées (5289 élèves) et 11 CEM (10 758 élèves), toute que sur près de 50 groupes d'élèves abordés à l'intérieur des lycées et autres écoles du moyen parmi les fumeurs apparents, 3 élèves sur 5 fument. Naturellement, ce taux s'applique essentiellement à la gent masculine, quant à leurs camarades du sexe féminin, elles ne sont pas toutes exemptes de ce fléau. Dans une proportion importante, elles fument en cachette, non pas par goût ou par nécessité, mais surtout pour étaler en présence de leurs copines, un sentiment d'émancipation. Quant aux garçons, les uns fument par nécessité: ayant appris à fumer très jeunes, ils ne peuvent plus s'en passer (près de 20% du total). Certains considèrent ce fléau comme un attribut de virilité; le restant est constitué de fumeurs occasionnels, pour démontrer qu'ils ne demeurent pas en reste. Interrogé par nos soins, Walid, 18 ans, lycéen au niveau de l'établissement Rabahi-Nouar, déclare consommer pas moins de 1 paquet et demi par jour. Il fume depuis 4 années. Il fait cela pour atténuer le sentiment de déception et les difficultés qu'il rencontre dans sa vie personnelle et ses études. Ahmed, âgé de 16 ans, au lycée Raâfa Abdelmadjid, interviewé par notre correspondant, nous dit: «Je consomme un paquet journellement» et affirme ne plus pouvoir s'en passer, ayant commencé à fumer très jeune (10 ans). Dans le même lycée, un autre nous affirme: «Nous n'avons même pas un professeur de sport. Comment voulez-vous qu'on ne fume pas?» Leurs enseignants affirment que tous les moyens mis en oeuvre pour essayer de dissuader leurs élèvs ont été vains. La tranche d'âge la plus touchée concerne les lycéens âgés entre 15 et 19 ans. Sans moyens réels de dissuasion, ils baissent les bras. Les chefs d'établissement très soucieux d'étouffer cette tare, essayent de dédramatiser ce phénomène, laissant entendre qu'il s'agit d'un effet d'adolescence qui disparaîtra de lui-même avec l'âge adulte. Un psychologue questionné à ce sujet nous répond: «Non, à ce stade, il sera trop tard à plus d'un titre: le mal aura fait son effet sur le plan santé d'abord, car il est admis scientifiquement que l'une des premières causes de mortalité par le cancer des poumons a pour origine la cigarette, sur le plan moralité ensuite, car fumer en tout lieu tend à banaliser cette pratique, même en milieu familial touchant de plein fouet la tradition du respect établie depuis des millénaires au sein de la famille, ceci sans oublier le côté financier non négligeable et l'intoxication de l'environnement.» Le plus dramatique dans cette affaire est la démission collective de tous ceux qui ont en charge cette jeunesse qui, ne l'oublions pas, est la future élite de demain, à commencer par les parents qui font preuve d'un fatalisme effarant, en passant par notre système éducatif qui ne dispose même pas d'un programme permanent de sensibilisation sur la lutte contre le tabagisme. Enfin, l'absence d'un mouvement associatif spécifique et l'inertie des services publics en charge de ce problème font le reste et ce fléau s'étend et s'aggrave de plus en en plus; ses conséquences sont redoutables, car du tabagisme à la drogue et à la délinquance juvénile, il n'y a qu'un pas. Ce drame interpelle la conscience de tous les Algériens, car il met en cause les fondements mêmes de la société et contribue directement à la dégradation des moeurs. Il est donc temps d'agir et dans le bon sens pour la sauvegarde de cette jeunesse. Ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir?