Cheouaoua Rachid, 55 ans et Hamari Zahra, 37 ans, mère de 4 enfants, sont morts emportés par les eaux en furie. Mercredi, des chutes de pluies orageuses pendant près de 15 minutes auront suffi à submerger des pans entiers de la périphérie immédiate de la ville de Constantine, causant la mort à une mère de quatre enfants, âgée de moins de quarante ans et à un homme, la cinquantaine consommée. Un drame qui rappelle indéniablement une catastrophe de la même intensité survenue il y a tout juste trois ans à la nouvelle ville Ali-Mendjeli où deux femmes et un adolescent avaient trouvé la mort, ou encore, les inondations de l'année dernière dans la commune Ibn Badis, lesquelles avaient occasionné d'énormes dégâts. Récurrents depuis plusieurs années, ces caprices météorologiques avaient alerté nos responsables, notamment aux ministères de l'Intérieur et des Ressources en eau qui ont initié plusieurs rencontres à l'effet de sensibiliser et de dispenser des feuilles de route aux collectivités locales pour prévenir ce genre de catastrophes. Constantine a été désignée, il y a une année de cela, ville-pilote en matière de prévention et de protection contre les catastrophes naturelles, au sein d'un programme national élaboré à cet effet. Au bout de 15 minutes de pluie, le cataclysme L'orage, qui s'est déclenché vers 16 heures et demie sur Constantine et ses proches alentours, n'aura duré qu'un petit quart d'heure avec néanmoins, un niveau de précipitations qui a atteint les 80 mm. Au centre-ville où la vie a repris rapidement ses droits, l'on ne se doutait pas de l'ampleur des dégâts enregistrés à la périphérie où les torrents d'eau boueuse charriant des tonnes d'objets hétéroclites continuaient d'affluer. Torrents qui emportèrent Cheouaoua Rachid, 55 ans, et Hamari Zahra, 37ans, mère de 4 enfants dont l'aîné est âgé de 9 ans seulement. Les deux victimes sont mortes par noyade après s'être précipitées pour quitter les véhicules qui les transportaient, emportés à leur tour par les flots en furie. Plus de 18 autres personnes ont été également blessées. La plupart ont subi des traumatismes devant les scènes apocalyptiques qu'ils venaient de vivre. Le lieu : la RN27 reliant la willaya de Constantine à Jijel, plus précisément dans la localité de Djebli- Ahmed appelée communément El-Kentoli, située à quelques encablures de la commune de Hamma-Bouziane, où 46 véhicules touristiques, 2 bus de transport urbain et 2 autres bus de transport d'étudiants ont été emportés par les eaux. Les pluies torrentielles accompagnées de grêle ont transformé le petit ruisseau appelé oued Ziad en un puissant torrent de boue dévastant tout sur son chemin. D'une rare puissance, l'affluent a provoqué une panique indescriptible parmi les usagers de la RN27, pris en otage dans leurs véhicules par les flots d'eau boueuse charriant troncs d'arbres, grosses pierres et toute sorte d'objets se trouvant sur leur passage. Ces derniers ont dû abandonner leurs voitures pour se réfugier sur les hauteurs au-dessus de l'asphalte. "Je roulais doucement et j'ai vu l'eau arriver derrière moi, j'ai aussitôt pris ma petite fille et j'ai quitté ma voiture et escaladé un monticule sur le bord de la route et de là, j'ai vu des voitures avec leurs occupants, entièrement submergées par les eaux, c'était trop rapide et tout le monde tentait de fuir. C'était incroyable, on aurait cru un film catastrophe", avance Fayçal sur sa mésaventure de mercredi dernier à El-Kentouli. "C'est grâce à des jeunes que je ne connais pas que je suis encore vivante, ils m'ont fait sortir d'un taxi qui était déjà envahi par les eaux et qui continuait d'avancer…", témoigne Hanène, une employée qui rentrait chez elle au moment du drame. Solidarité citoyenne salutaire Face à l'ampleur des dégâts et au retard accusé par les services concernés pour porter assistance aux victimes, les passants et les riverains de cette localité n'ont pas manqué de mettre leur vie en péril, pour secourir les personnes, notamment les femmes et les enfants, coincés au milieu de la route ou dans leurs voitures. "C'était comme une course contre la montre, on devait absolument faire sortir plusieurs personnes, on a commencé par évacuer les femmes et les enfants en premier, prioritairement, puis ceux qui étaient dans les deux bus, on ne pouvait pas attendre les éléments de la Protection civile. Nous n'avions aucun moyen mais nous avons, quand-même, réussi à sauver une vingtaine de personnes et évité le pire", raconte au lendemain des inondations, Aymen, un adolescent habitant El Kentoli. "J'ai vu de mes propres yeux l'homme qui est mort coincé entre deux voitures avant qu'il ne soit emporté par les eaux, il était tout près de nous, mais nous ne savions pas quoi faire. Je ne comprends pas encore, pourquoi les éléments de la Protection civile sont arrivés une heure après", raconte, les larmes aux yeux, un des habitants. Des dégâts matériels surtout ont été enregistrés au niveau de plusieurs quartiers de la ville, à l'image la citée Emir-Abdelkader (ex-Faubourg Lamy), la cité Sakiet Sidi Youcef (ex-La Bum), la trémie située au niveau de Daksi-Abdesslam où plusieurs personnes ont été coincées. La même situation a été signalée au niveau des Chalets des pains et à la cité des Mûriers, ce qui a suscité la colère des citoyens qui ont accusé les pouvoirs publics de négligence et de dévaluation des dégâts provoqués par les inondations. "Ils n'ont aucune politique de prévention, ils ne sont pas sérieux, quelques gouttes de pluie ont été largement suffisantes pour provoquer la mort, pourtant, nous avons déjà connu des situations similaires, celle de la nouvelle ville Ali-Mendjeli en 2015 où 4 personnes sont mortes est toujours vivace", tient à témoigner un habitant de Djbel El-Ouahch, un quartier touché également par les inondations. 25 milliards de dinars de dégâts Au lendemain du drame, une réunion d'urgence a été tenue au siège de la willaya en présence de tout l'exécutif et des membres de la commission interministérielle dépêchée spécialement pour se pencher sur l'ampleur des dégâts et des mesures d'urgence à prendre. Commission comprenant le délégué national aux risques majeurs auprès du ministère de l'Intérieur, le secrétaire général du ministère des Ressources en eau et le représentant du ministère des Travaux publics. Durant cette réunion, le wali de Constantine a indiqué qu'une opération de réhabilitation totale de l'oued Ziad a été lancée au lendemain du drame. Il s'agira de travaux du curage de l'oued qui permettront la canalisation des eaux des crues et partant, la protection de la RN27 sur ce tronçon ainsi que de ses riverains. Une opération d'assainissement au niveau de la forêt de Bouhazoume a été lancée à partir d'hier selon les propos du wali de Constantine qui a instruit ses subalternes à l'exécutif de mobiliser tous les agents, également à l'effet d'entamer une opération de reboisement au niveau des talus droits de la RN27 pour éviter d'éventuelles coulées de boue, l'ouverture des caniveaux ainsi que la plantation des faussées bétonnés sur les bordures de la route. Le wali, qui a été particulièrement ciblé par des commentaires acerbes sur les réseaux sociaux, annoncera aussi qu'une opération de nettoyage des avaloirs et des regards sera lancé dès aujourd'hui à travers tout le territoire de la wilaya. Mesures que le ministre de l'Intérieur Nouredine Bedoui avait également annoncées sur son compte Twiter. En marge de cette réunion, le délégué national aux risques majeurs auprès du ministère de l'Intérieur, Melizi Tahar, a indiqué que "durant l'année en cours, les dégâts provoqués par les inondations ont coûté plus de 25 milliards de dinars dans les 18 willayas touchées". Et d'avouer : "On aurait pu éviter toutes ces pertes si on avait un réel plan de prévention." De gros moyens ont été mobilisés au lendemain des inondations d'El-Kentouli à Constantine. La RN27, qui a été totalement rouverte à la circulation, hier grâce notamment aux moyens humains et matériels dépêchés à Constantine à partir des wilayas de SEtif, Guelma, Annaba, Batna et Souk Ahras qui ont participé à l'opération de nettoyage des différents sites inondés et jonchés de gravats, boue, troncs d'arbres et autres détritus. Iness Boukhalfa