Affaibli par une cascade de démissions collectives des cadres de son parti Nidaa Tounès, le président tunisien Béji Caïd Essebsi est aux abois. L'alliance entre Nidaa Tounès et Ennahdha est rompue depuis l'annonce lundi soir par le président tunisien Béji Caïd Essebsi de la fin du consensus qui lie son parti et le mouvement islamiste de Rached Ghannouchi, dans le cadre d'une coalition gouvernementale. "Il n'y aura plus désormais de consensus entre Caïd Essebsi et Ennahdha (...)", a déclaré le président tunisien, lors d'un entretien à la télévision tunisienne Al-Hiwar Attounsi, soulignant qu'"il s'agit là d'un choix du mouvement Ennahdha", dont le soutien implicite qu'il a apporté au Premier ministre Youssef Chahed n'a pas plu à Nidaa Tounès et à Essebsi lui-même. "Après cinq ans de consensus depuis la rencontre de Paris, le mouvement Ennahdha a décidé la semaine dernière de mettre fin au consensus à sa demande", a-t-il encore expliqué dans ce qui est perçu par une partie de l'opinion tunisienne et la presse locale comme la dernière tentative de sortir la tête de l'eau face à des Tunisiens blasés par la guerre au sommet du pouvoir. "Ma relation avec Ennahdha a été interrompue à l'initiative de ce mouvement qui a choisi de changer de camp", a-t-il ajouté, en référence au refus calculé de Ghannouchi de se ranger du côté de Nidaa Tounès, où la qualité de membre du Premier ministre est gelée depuis quelques jours, en attendant de statuer définitivement sur son sort. "J'ai discuté avec Rached Ghannouchi. Nous ne sommes plus d'accord", a-t-il encore insisté. La réaction du parti islamiste ne s'est pas fait attendre, dans un communiqué rendu public dans la journée d'hier, dans ce qui s'apparente à une tentative du parti islamiste de sauver lui aussi la face. "Le choix du consensus a permis de tisser l'exception tunisienne réalisant la stabilité de notre pays et la gestion de la différence dans les limites de la responsabilité nationale et le respect mutuel", explique Ennahdha qui refuse de parler de rupture. C'est ce qu'a également tenté d'expliquer aux médias tunisiens un cadre de ce mouvement, tout en accusant Béji Caïd Essebsi d'avoir mis trop de pression sur Ennahdha, dans un contexte de crise interne au sein de Nidaa Tounès qui vit depuis plusieurs semaines au rythme des démissions collectives de ses députés et de ses cadres dirigeants à travers tout le pays. "On ne peut pas parler aujourd'hui de rupture entre Ennahdha et Essebsi", a estimé hier Abdelatif Mekki, un des cadres du mouvement islamiste, dans un entretien sur les ondes de la radio locale privée Mosaïque FM. Le conflit politique actuel inquiète les observateurs, qui craignent qu'il entrave l'organisation des prochaines élections et les efforts urgents nécessaires pour faire face à une profonde crise sociale. Mais le président, âgé de 92 ans, a tenté lundi soir de rassurer les Tunisiens sur la tenue de la prochaine présidentielle dans les délais. Une présidentielle à laquelle il n'est toujours pas sûr de se représenter. Lyès Menacer