La lutte politique pour la présidentielle de 2019 en Tunisie fait rage et divise au sommet de l'Etat, alors que la situation socioéconomique ne cesse de se dégrader, accentuant ainsi le sentiment de trahison chez les Tunisiens, notamment à l'intérieur du pays. Le président tunisien Béji Caïd Essebsi a décidé de se ranger du côté de son fils, Hafedh Caïd Essebsi, contre son propre Premier ministre Youssef Chahed, qui fait l'objet d'une campagne sournoise de la part de plusieurs milieux politiques et d'affaires depuis qu'il a ouvert le front de la lutte contre la corruption dans ce pays voisin. M. Essebsi a ouvertement affirmé cette semaine qu'il est prêt à se passer des services de son Premier ministre, en déclarant que "les Tunisiens ont plutôt besoin de voir des conditions favorables au rétablissement de la confiance entre gouvernants et gouvernés". Et d'ajouter : "Si la situation persiste (...) le chef du gouvernement doit soit démissionner, soit solliciter, de nouveau, le vote de confiance du parlement." Dans le controversé entretien qu'il a accordé à la chaîne de télévision Nessma TV, il s'est justifié en déclarant qu'"on ne peut répondre aux aspirations des citoyens sans un gouvernement fort et des institutions solides, loin de toute exclusion. Nous ne voulons exclure personne". Mais la réalité de ce lâchage est loin d'un quelconque échec du gouvernement de Chahed à répondre aux aspirations des Tunisiens qui savent pertinemment que les luttes internes au sein du parti du président Nidaa Tounès, son alliance contre nature avec le caméléon politique islamiste Ennahdha y sont pour beaucoup dans la volonté d'abattre le Premier ministre et son équipe. Depuis quelques semaine, il y a un violent mouvement de fronde au sein de Nidaa Tounès et qui a abouti la semaine dernière à un début de scission au sommet du parti. En effet, onze membres sur dix-neuf de la commission politique ont annoncé mardi dernier que leur instance assumera le rôle de comité exécutif pour gérer les affaires courantes, dans le cadre d'une direction collégiale, et ce, jusqu'à la tenue du deuxième congrès qu'ils ont programmé pour les 29 et 30 septembre prochain, selon le communiqué en notre possession. Les frondeurs ne reconnaissent plus l'autorité du fils du président Hafedh Caïd Essebsi, accusé de prendre en otage Nidaa Tounès, pour nourrir ses ambitions personnelles, à la veille d'une présidentielle périlleuse, car elle risque de tranformer le pouvoir politique en Tunisie en dynastie familiale des Essebsi. Ce qu'une bonne partie des Tunisiens rejettent fermement en le manifestant à maintes reprises. Allié de Nidaa Tounès au gouvernement, le parti islamiste Ennahdha de Rached Ghannouchi tire aussi les ficelles. De prime abord, il est le premier gagnant des tiraillements que vit Nidaa Tounès, en l'absence d'une véritable opposition politique démocratique en Tunisie. L'autre gagnant d'une éventuelle chute du gouvernement actuel est le camp des affairistes que la campagne de lutte contre la corruption a ébranlé depuis presque un an. Le départ de Chahed signifierait pour certains la fin d'une bataille qui a redonné de l'espoir à de nombreux Tunisiens que la crise a laissés sur le carreau. Mais pour le moment, les crispations politiques au sommet et les manœuvres dans les coulisses ne profitent aucunement au peuple tunisien, première victime de ces luttes de pouvoir, des réformes économiques imposées par le Fonds monétaire international et une situation sécuritaire toujours précaire. Lyès Menacer