Le chef du bureau de l'Unicef déplore la négligence dans la prise en charge des traumatismes des enfants victimes du terrorisme. L'Etat algérien peut se targuer d'avoir consenti de grands investissements dans la santé et l'éducation. Ses politiques très ambitieuses en faveur d'une école populaire et de la lutte contre la mortalité maternelle et infantile lui ont valu la reconnaissance internationale. “Beaucoup de progrès ont été faits”, commente Raymond Janssens. Le chef du bureau de l'Unicef à Alger a néanmoins mitigé son appréciation en relevant quelques couacs dans le système de santé. 25 000 nourrissons décédés annuellement sur un ensemble de 724 000 naissances constituent, selon lui, un fiasco. Cependant, le grand échec se rapporte au nombre effarent de bébés qui viennent au monde avec une infirmité. “Un enfant sur dix, soit 72 000 sur les 724 000, naissent chaque année handicapés”, souligne M. Janssens. Selon lui, la préservation de la santé du fœtus nécessite des autorités une meilleure prise en charge de la mère. En d'autres termes, le ministère de tutelle est appelé à réviser sa stratégie. Toutefois, cette exhortation du représentant de l'Unicef n'est qu'un simple “conseil d'ami”. En réponse aux nombreuses interpellations de l'assistance sur la pression dont doit faire preuve l'Unicef sur les gouvernements pour les pousser à améliorer le sort des enfants, M. Janssens a répliqué qu'au niveau local, “il est toujours délicat” d'agir sur les pouvoirs en place. “Notre mission est de rester dans les pays — où l'Unicef a des bureaux, ndlr — pour accompagner ceux qui militent pour les droits de l'enfant”, précise-t-il. Dans le cas de l'Algérie, ce soutien s'exprime à travers l'aide apportée à la société civile. Sur le plan institutionnel, la représentation du fonds onusien se contente d'un travail de sensibilisation. C'est dans ce cadre que M. Janssens a rencontré récemment le ministre de la Justice, Tayeb Bélaïz, pour lui soumettre le contenu des protocoles facultatifs, ajoutés à la Convention internationale pour les droits de l'enfant. Cet accord que notre pays a ratifié en 1992 comporte de nouvelles clauses, punissant notamment la pornographie infantile. De son côté, le texte originel spécifie les différents mécanismes de protection des enfants contre différents fléaux. Bien que l'ayant paraphé, l'Algérie ne s'y inspire pourtant guère. Maître Benbraham y a fait mention devant M. Janssens. À cet égard, elle a déploré l'absence d'harmonisation entre la législation algérienne et internationale en matière de protection de l'enfance. S'il a appuyé ce constat, le représentant de l'Unicef y trouve un bémol. À ses yeux, l'élaboration d'une loi de l'enfant est une avancée notable. Ce texte concocté par une commission multiministérielle sur instruction du chef de l'Etat fait entrer l'Algérie dans un club très fermé. “Dans le monde, cinq Etats uniquement ont cette législation. Votre pays est le sixième”, se félicite M. Janssens. Pour autant, beaucoup de chemin reste à faire intra muros. La réparation psychologique des enfants victimes du terrorisme est sans doute l'entreprise la plus importante. Pourtant, hormis quelques ONG, l'Etat fait preuve d'une implication épisodique. Une telle négligence interpelle vivement le représentant de l'Unicef. “Les statistiques développées sur les enfants traumatisés sont sporadiques. Souvent, on sous-estime les effets de ces dommages”, regrette-t-il. S. L.