La troupe de chant et de théâtre Debza est née d'un bouillon de culture effervescent à Alger. Nous sommes en 1979. Le Théâtre de la mer de Benaïssa avait déjà pignon sur rue, l'ACT (Action culturelle des travailleurs) de Kateb Yacine déménagea à Sidi Bel-Abbès, les cités U produisaient une plus-value culturelle que les institutions culturelles officielles d'aujourd'hui ne sont pas en mesure de produire, même à coup de subventions publiques. Le jeune Merzouk Hamiane venait de finir son service militaire. À la cité universitaire de Ben Aknoun à Alger, une idée germait. Des étudiants en sciences économiques engagés dans le combat politique et culturel créent une nouvelle troupe de théâtre dénommée Debza. Combat. C'est le combat revendicatif pour la culture et les libertés. Les membres fondateurs, Salim Bensedira, Abdelatif Bounab, Meziane Ourad, Mustapha Bacha, Salah Boukrif, Rabah Belaouane, etc., laisseront des traces indélébiles dans les milieux berbéristes et culturels. Le Printemps berbère d'Avril 80 arrive comme un catalyseur des forces politiques et culturalistes. Les membres de Debza connaissent déjà le milieu pour avoir côtoyé dans la clandestinité les organisations politiques, comme le FFS, le GCR, le Pags, le PRS. Merzouk qui est déjà dans le bain culturel rejoint le mouvement. En 1982, Kateb Yacine, installé à Sidi Bel-Abbès avec l'ACT, lui propose de le rejoindre. De nouveaux éléments font leur entrée à l'ACT, à l'image de Youcef Aït Mouloud, Mustapha Nedjar. La troupe était sur de nouveaux projets après avoir joué, au début des années 70, Mohamed prends ta valise. Avant de rejoindre la capitale de la Mekerra, Merzouk se lance corps et âme avec Debza. Yacine lui donne Lwafi (le fidèle), un texte d'une rare densité poétique, qui raconte le parcours d'un maquisard de Sidi Bel-Abbès. L'implication politique de Debza verra huit de ses membres arrêtés dans le sillage des événements du 19 Mai 1981. Les étudiants avaient décidé de fermer la fac centrale à Alger. Le mouvement prend de l'ampleur. Les travailleurs de l'Enamo, bureau de main-d'œuvre de Bab El-Oued, participent à la contestation. Debza a monté sa première pièce théâtrale La Clé 17, que les membres ont jouée à la fac centrale. Le texte qui évoque la révolution du 17 Octobre 1917 a été écrit par Kateb Yacine en arabe algérien. 9 heures d'enregistrement pour 1 000 DA En 1983, Debza a également produit Trig (la voie) et Amar El Boudjadi en hommage à Yacine. Merzouk jouera dans une adaptation de Mohya, Am win yettradjun Rebbi, une adaptation d'En attendant Godot de Samuel Beckett. Cette effervescence culturelle qui alterne chant et théâtre amènera Debza dans le monde de l'édition. Un premier opus sera ainsi édité pour pas cher. Les membres de la troupe ont pu enregistrer leur produit durant 9 heures de temps pour 1 000 DA. C'était en 1986. Suivront trois autres albums d'égale valeur artistique et symbolique. La disparition de l'auteur de Nedjma le 28 octobre 1989 avait bouleversé les membres de Debza qui se sont sentis comme orphelins. Presque trois décennies plus tard, Merzouk Hamiane s'efforce de répandre la culture populaire aux quatre coins de l'Algérie, mais aussi à l'étranger comme il l'a fait récemment à Montréal, lorsqu'il a été invité par la Fédération des Amazighs d'Amérique du Nord (Faan). Merzouk dit être sur un projet d'hommage à Kateb Yacine. "Avec des camarades, nous sommes présentement en réflexion sur un projet d'un hommage à Yacine", affirme Hamiane pour qui Kateb Yacine demeure "un père spirituel". Natif de Guelma en 1929, Kateb Yacine marquera le paysage littéraire algérien et nord-africain. Son chef-d'œuvre Nedjma a bouleversé les paradigmes de la littérature d'expression française. Œuvre de mémoire, sa production intellectuelle a touché tous les champs littéraires : poésie, roman, théâtre, etc. Alter ego de M'hamed Issiakhem et Ali Zamoum, Kateb Yacine renouvellera le théâtre populaire dans un langage compris par le peuple. Il décédera à Grenoble un certain 28 octobre 1989. Yahia Arkat