Si les responsables de la Centrale syndicale étaient venus à Oran pour s'enquérir du sentiment de la base, ils ont été copieusement servis. Hier, à la salle El-Maghreb d'Oran, M. Djenouhat, chargé de l'organique, et M. Badreddine, SG de la Fédération des pétroliers, ont passé une bien mauvaise matinée au cours de la rencontre régionale pour officiellement “rendre des comptes sur les résultats de la bipartite”. La tribune que comptait s'offrir les deux responsables de l'UGTA s'est transformée en un véritable désaveux pour les syndicalistes. En effet, lorsque le patron des Pétroliers prit la parole pour aborder, entre autres, le problème des privatisations, des travailleurs en colère élevèrent la voix dans la salle pour crier : “Ils ont vendu l'Enaditex et les travailleurs… Vous nous avez oubliés !” Certains applaudissent, d'autres répondent tout aussi violemment. À cet instant, un “ancien” de l'Enaditex hurle plus fort que les autres et lachera à l'adresse de Badreddine : “Députés khiyan ! Ils encaissent 30 millions !” Piqué au vif, le SG des pétroliers s'énervera et répliquera violemment : “On n'est pas des voleurs et on n'encaisse pas 30 millions !” Brouhaha général dans la salle, le ras-le-bol des travailleurs n'a pas de limite. Ils sont venus entendre des réponses claires à leurs interrogations, menacés dans leurs emplois, et ce sont des discours ambigus, voire même des provocations qu'ils encaissent. Les travailleurs quittent la salle peu à peu, totalement désabusés. À nos côtés, deux d'entre eux se lèvent et nous disent : “Syndicalistes avec portable, c'est pas du syndicalisme !” Il faut dire qu'auparavant, le SG des pétroliers avait eu des mots très durs, notamment contre ceux qui travaillent à Enaditex en leur disant : “C'est votre faute ! En acceptant la filialisation, c'était inévitable d'en arriver là !” Au sujet des privatisations, l'orateur dira encore que l'UGTA n'avait pas de position dogmatique et qu'elle s'opposera à toute privatisation touchant les entreprises stratégiques et celles qui sont viables. Annonçant dans la foulée une prochaine bipartite, Badreddine demandera aux syndicalistes de préparer des dossiers complets sur la situation de toutes les entreprises, notamment celles devant être privatisées et ce, afin d'en discuter lors de la prochaine rencontre avec le Chef du gouvernement. Quant au projet de Chakib Khelil qui aurait été gelé, le SG des pétroliers s'en est félicité, “encore que l'information n'était pas officielle”, selon lui. Dans son discours, Badreddine citera le chiffre de 9 briqueteries neuves et n'ayant jamais fonctionné, ainsi qu'une unité de l'Enava à Tébessa. “Ils n'ont qu'à privatiser ces entreprises”, dira-t-il encore. Pour sa part, Djenouhat, le chargé de l'organique, se réservera des critiques à l'encontre de certains syndicats autonomes qui “font beaucoup de bruit et qui n'ont même pas 20 adhérents”. L'allusion au Snapap a été clairement comprise. Si les responsables de l'UGTA étaient venus à Oran pour s'enquérir du sentiment de la base, ils ont été copieusement servi. Le décalage et la rupture avec toute une partie du monde du travail est apparue au grand jour, hier, à Oran. F. B.