Le bel unanimisme constaté en faveur d'un troisième mandat pour Abdelmadjid Sidi Saïd, durant le 11e congrès de l'UGTA, a été finalement chahuté par cette étincelle inattendue signée par les partisans de Salah Djenouhat. Ceux qui ont cousu ces assises en instituant un poste de SG adjoint ont visiblement commis une grosse erreur de casting qui a failli lézarder la Maison du peuple. Salah Djenouhat, le patron de l'organique, qui devait presque « naturellement » hériter de ce fauteuil qui lui servirait éventuellement de rampe de lancement à l'assaut de l'appareil, a été déclaré hors course et en catastrophe. Cet homme, cadre du RND de Ouyahia, qui a dû refouler ses ambitions voyant que les vrais décideurs eurent choisi la reconduction de Sidi Saïd, croyait tout de même à sa bonne étoile de pouvoir servir de second. Mais le veto des hautes sphères, au nom d'un prétendu dosage régional (il est du centre du pays au même titre que Sidi Saïd) politiquement indéfendable, a eu raison des ambitions d'un homme soupçonné à tort ou à raison de travailler pour le président de son parti, Ahmed Ouyahia. Il est en effet loisible de deviner la panique du clan présidentiel de voir un proche d'un potentiel présidentiable en avril 2009 enlever un poste aussi sensible. La crainte est de voir un Djenouhat ainsi mis en orbite exécuter un coup d'Etat pas forcément scientifique pour s'emparer de l'appareil et bien sûr détourner la direction du soutien des masses laborieuses selon les instructions des mentors. Que le chef du gouvernement Belkhadem et au moins deux de ses ministres, Louh et Sellal, soient appelés en renfort pour donner de la voix et montrer la voie du salut est symptomatique de ce souci de ne pas laisser commettre « l'irréparable ». Si donc il y a un enseignement à tirer du onzième congrès de l'UGTA clos en queue de poisson, c'est que le troisième mandat pour Bouteflika aura été paradoxalement l'enjeu majeur d'une messe syndicale… Génuflexions On y apprend surtout que tout n'est pas tranché en haut lieu et que Bouteflika et ses souteneurs doivent redoubler d'ingéniosité pour obtenir le précieux sauf-conduit par les autres centres de décision. Il serait en effet politiquement naïf de croire que la montée au créneau de Salah Djenouhat soit juste un feu d'artifice pour amuser la galerie syndicale. Elle traduirait peut-être une tendance lourde du sérail qui préparerait des scenarii sous forme de solutions de rechange. Sinon quel autre cadre au sein de la centrale syndicale est mieux outillé que Salah Djenouhat qui gère le gros dossier de l'organique depuis des années pour assumer la charge d'un SG adjoint ? Ceci est d'autant plus vrai que l'argument de l'équilibre régional ne tient pas la route dans un pays où tous les postes clés de la République sont détenus par des personnalités issues d'une seule région, voire d'une seule wilaya. C'est dire que la mise à l'écart de cet homme ressemble fort à un faux barrage, au sens algérien du terme, histoire d'éviter toute mauvaise surprise. Ses partisans eurent beau crier son nom en plénière, ce ne sont pas eux les délégués syndicaux qui voteront cette fois… Le sort de ce poste à gros enjeux sera scellé ailleurs, le temps que les tireurs de ficelles affinent le modus operandi et mettent en avant l'exposé des motifs. Et Sidi Saïd ne serait pas spécialement dans les secrets des dieux. Pour lui, le marché est simple : son troisième mandat devra servir à gagner celui de Bouteflika. Et il a déjà honoré une première clause du contrat en faisant lire la fameuse motion de soutien à la « ouhda thalitha » dans la pure tradition théâtrale de Bounedjma et les autres partisans des génuflexions. Ces deux « happy end » étaient au demeurant attendus de ce congrès. C'est plutôt la « sortie » de Salah Djenouhat et ses partisans qui l'était moins. C'est dire que ces assises de l'UGTA, de par les enjeux politiques qu'elles suscitent et la guerre de positions qu'elles mettent à nu, constituent dans une large mesure un indice probant du pouls de la base. Mais surtout du sommet.