Dans cet entretien, le premier responsable de la mission économique situe l'évolution des relations économiques entre les deux pays, souligne l'appui politique français à l'investissement des entreprises de l'Hexagone en Algérie et le rôle de la Coface dans la dernière révision du risque Algérie. Liberté : Quel est l'état des échanges économiques entre l'Algérie et la France ? Pierre Mourlevat : Les exportations françaises connaissent une progression importante plus de 20%. Elles ont atteint en 2004 plus de 4 milliards d'euros. Un record historique. Les ventes sont tirées par les biens d'équipement. Ce sont les PME qui font l'essentiel de ces exportations. Au premier rang, figure l'automobile qui constitue 25% des ventes. La France reste le premier fournisseur de l'Algérie en médicaments, avec un montant de 700millions d'euros. La France est le premier partenaire de l'Algérie. Elle est son premier fournisseur avec une part de marché de 24%. Au-dessus de celle des Etats-Unis qui reste numéro 1 dans les hydrocarbures. La France reste donc le premier partenaire commercial du pays. Mais la concurrence devient de plus en plus importante. Les exportations algériennes vers la France progressent également. Elles restent concentrées sur les hydrocarbures. L'Algérie est le 3e fournisseur en gaz de l'Hexagone et le 5e en pétrole. Elle a exporté vers la France pour 3,8 milliards d'euros en 2004, soit une progression de plus de 10%. Au volet investissement, les flux ont été relativement modestes entre 20 et 40 millions d'euros injectés annuellement. Mais si on regarde le stock d'investissements français en Algérie depuis 1998, nous sommes à 447 millions d'euros. La France est le troisième investisseur en Algérie. Elle se place après les Etats-Unis et l'Egypte. Quels sont les projets de partenariat en discussion ou en voie de lancement ? Beaucoup de PME dans le secteur des biens d'équipement sont en train de négocier des accords de partenariat. C'est le cas aussi de la sous-traitance. L'intérêt porte sur la constitution d'un tissu de sous-traitants localement. Avec la Snvi, il est question d'assemblage de cars spéciaux, d'engins pour l'assainissement. Au total, ces projets se chiffrent à plusieurs millions d'euros. Nous avons, du reste, le gros projet de réalisation d'hôtels entre Accor et le groupe Mehri. Son lancement dans les prochains mois se confirme. Il répond à une demande locale : la construction d'hôtels de qualité. Pour Suez, les négociations sont bien avancées. Nous sommes optimistes quant à leur aboutissement. Pour la SNVI, beaucoup de sociétés françaises sont en discussion avec cette firme publique spécialisée dans l'assemblage de véhicules industriels. La Snvi dispose d'un très bel outil. Il faut y attacher une très grande importance. Comment évaluez-vous la participation française à la 38e Foire internationale d'Alger ? Ce qui m'a frappé, c'est le fait que beaucoup de PME françaises participent à cette manifestation. Le pavillon France abrite 338 entreprises. Mais le nombre de firmes françaises présentes à la foire s'élève à 400. C'est la plus importante participation de la France à la manifestation. C'est une foire généraliste. Mais elle revêt de l'importance pour les entreprises françaises même avec le développement dans le pays de salons spécialisés. Il convient de signaler que 40% des exposants français sont présents pour la première fois. Le processus se déroule ainsi : ils viennent pour la première fois à la foire, vont ensuite aux salons spécialisés, puis créent une filiale en Algérie. Beaucoup de Pme sont en train de créer des filiales dans le pays. Un regroupement de Pme de la région de Strasbourg va, de surcroît, constituer une structure en Algérie en partenariat avec une société algérienne. Pour un premier bilan, nous avons enregistré beaucoup de contacts professionnels qui vont déboucher sur des missions de prospection. Nous sommes optimistes sur la finalisation de projets, notamment dans le domaine des biens d'équipement. Quelle est la particularité de la participation française à la 38e Foire internationale d'Alger ? Ce qui est nouveau, c'est le sentiment de confiance qui est en train de se développer chez les entrepreneurs français, reposant sur une amélioration du climat politique et des conditions d'investissement dans le pays. Les exposants français constatent, en outre, que les partenaires algériens sont très professionnels Où en est l'opération de conversion d'une portion de la dette algérienne en investissements ? Une première transaction s'est effectuée. Il s'agit de celle du groupe Michelin pour l'extension de l'usine de pneus pour poids lourds d'Alger. Cette entreprise a consommé 36 millions d'euros de la première tranche d'un montant global de 63 millions d'euros. Les investissements de Michelin sont en cours de réalisation. La clôture de la première tranche devrait se faire très rapidement. Les fromageries Bel, les banques françaises implantées en Algérie pour l'augmentation de leur capital et beaucoup de Pme françaises s'y intéressent. La conversion de créances peut bénéficier aux Pme même pour des opérations d'un montant de 20 000 à 50 000 euros. En résumé, sur la tranche de 63 millions d'euros, 36 millions d'euros ont été utilisés. Il reste 25 millions d'euros à consommer. Pour ce montant, la procédure n'est pas encore finalisée. Dans moins d'un an, on aura consommé la première tranche. À sa clôture, nous allons lancer l'opération de conversion de 288 millions d'euros en investissements. Il faudra un accord bilatéral entre le Trésor algérien et le Trésor français pour mettre en œuvre cette seconde opération. Mais, on enregistre une très forte demande des entreprises françaises. Ces opérations font partie de surcroît des priorités de la politique française en Algérie. Comment analysez-vous la révision du risque Algérie par l'agence d'assurance-crédit Coface ? Il s'agit d'un changement très important. Le passage de la catégorie 4 à 3, c'est-à-dire à un niveau de primes bien plus bas est plus difficile. L'agence d'assurance-crédit française Coface a joué un rôle important dans la décision des agences d'assurance-crédit de l'OCDE réunis le 30 avril dernier. (Ces dernières, suivant la règle consensus OCDE, ont ramené le risque Algérie de la catégorie 4 à 3). Les autorités françaises ont apporté à la Coface les éléments d'appréciation lui permettant d'évaluer positivement l'amélioration du risque Algérie. C'est un signal de confiance qui est aussi politiquement important. Un dernier mot… Cette foire a contribué à renforcer la confiance des entreprises françaises, leur conviction dans l'idée de partenariat avec les sociétés algériennes. On assistera de plus en plus à l'irruption de sociétés françaises dans le marché algérien du fait surtout de projets de partenariat. Cela constitue une mutation dans la relation économique entre les deux pays. N. R.