Beaucoup de sites militaires américains, non divulgués, existent dans plusieurs régions sensibles de l'Afrique, notamment en Libye, au Niger et en Somalie. Le magazine spécialisé The Intercept a révélé hier que les véritables chiffres de la présence militaire des Etats-Unis en Afrique n'ont jamais été rendus publics, alors que l'armée américaine affirme qu'elle n'a qu'une empreinte légère sur le continent africain. Et c'est l'embuscade de 2017 au Niger qui a conduit à des rapports afin que des prélèvements soient opérés au sein des forces d'opérations spéciales ainsi que la fermeture de postes d'observation en Afrique. Les documents confidentiels obtenus de l'Africom par cette publication, par le biais de la "Freedom of Information Act", donnent un aperçu sur le réseau tentaculaire des avant-postes militaires américains en Afrique. Selon un exposé de l'année 2018, présenté par le conseiller scientifique Peter E. Teil de l'Africom, il existe 34 sites militaires américains dispersés à travers le continent africain avec une concentration plus élevée, notamment dans le Nord, dans l'Ouest et dans la corne de l'Afrique. À noter que ces régions ont été le théâtre de nombreuses attaques de drones et des raids commando américains. Genese Thomas Waldhauser, commandant de l'Africom, a indiqué à la House Armed Services Committee que "le plan de présence du US Africa Command est conçu pour garantir un accès stratégique à des endroits clés sur un continent caractérisé par de grandes distances et le manque d'infrastructures". Durant les 10 dernières années, Africom a créé des avant-postes militaires et de petites bases temporaires, où les Américains s'installent durablement. À l'exemple d'un avant-poste de drones en Tunisie, à propos duquel le chef de l'Africom dira : "Ce n'est pas notre base, c'est la base des Tunisiens." C'est le cas également au Sénégal où, lors de l'une de ses visites à une usine, Genese Thomas Waldhauser a souligné que les Etats-Unis n'ont eu aucune intention de mettre en place une base permanente là-bas. On apprend que l'US Air Force pour l'Afrique travaille actuellement pour la concrétisation de 30 projets dans quatre pays du continent. "L'empreinte américaine sur le continent africain s'est développée sensiblement au cours de la dernière décennie pour promouvoir les intérêts de sécurité américains sur le continent", reconnaît le capitaine de frégate Candice Tresch, un porte-parole du Pentagone, dans des déclarations rapportées par The Intercept. Le Pentagone conforte ses positions dans le Sahel À l'instar du Camp Lemonnier de Djibouti pour l'Afrique de l'Est, les Etats-Unis sont en train de mettre en place un pôle pour l'Afrique de l'Ouest, à Agadez au Niger, avec une base de drones, dont la construction coûtera 100 millions de dollars américains environ. À en croire le contenu des documents cités par cette même publication, le réseau d'Africom de bases comprend des avant-postes plus "durables", consistant en des opérations avancées, et des emplacements de sécurité coopérative, ainsi que de plus nombreux sites austères appelés "lieux d'intervention". Il faut savoir que les troupes et les avant-postes périodiques sont amovibles sur le continent africain, et que certains endroits utilisés par des commandos des missions sensibles sont probablement gardés sous le sceau du secret. Adam Moore, professeur de géographie à l'université UCLA de Los Angeles, explique que "la répartition des bases suggère que l'armée américaine s'articule autour des endroits de lutte contre le terrorisme en Afrique, à savoir la corne de l'Afrique, la Somalie, Djibouti, le Kenya, la Libye, le Sahel, le Cameroun, le Tchad, le Niger, le Mali et le Burkina Faso". Les responsables militaires US tentent de relativiser, à propos de l'Africom, qui dispose de près de 7000 soldats sur le continent. Comparé aux 50 000 militaires US en Europe ou aux 23 000 en Corée du Sud, cela paraît assez peu de chose. Il n'en demeure pas moins que c'est en fonction des menaces terroristes qu'évoluera la présence militaire américaine en Afrique. Ainsi, si l'on voit par exemple une montée de Boko Haram ou de l'instabilité en Libye, on pourrait très facilement voir augmenter cette présence sur le continent. Par contre, si on arrive à maîtriser ces menaces, on optera pour la réduction des effectifs, ajoute-t-on. Ce qui est sûr, c'est que cela obéit également à la nature de la présence militaire des autres puissances en Afrique. Merzak Tigrine