C'est un événement de taille qu'a abrité, hier, l'université de Béjaïa au niveau de l'auditorium d'Aboudaou. Et pour cause. Trois personnalités, à la fois brillantes et originales, ont animé un cycle de conférences. Il s'agit en l'occurrence de Cédric Villani, de Ngô Bâo Châu, tous les deux médaillés Fields — la plus haute distinction mondiale dans la discipline des mathématiques — et du Pr Abdallah Mokrane de l'université Paris VIII. Dans son mot de bienvenu, le recteur de l'université, le Pr Boualem Saïdani, a salué la qualité des conférenciers invités dans le cadre de l'hommage rendu à Maurice Audin, et qui se déroule en présence de l'épouse du martyr de la liberté et de son fils. Le Pr Mustapha Khiati, de la Forem, a estimé, pour sa part, que le choix de l'université de Béjaïa n'est pas fortuit pour abriter une telle conférence, "étant l'une des meilleures d'Algérie". Une fois n'est pas coutume, l'auditorium était plein à craquer. Cédric Villani, professeur à l'université de Lyon et membre de l'Académie des sciences de Paris, de l'Academia Europea et président de l'Office parlementaire scientifique français, a été le premier à intervenir. Sa communication était intitulée "Enseigner les mathématiques au 21e siècle", un thème sur lequel il a eu à intervenir un peu partout à travers le monde avec l'autre récipiendaire, Ngô Bao Châu. Ils ont beaucoup réfléchi aux méthodes éducatives adéquates pour enseigner les mathématiques. D'où leurs regards croisés sur ces méthodes, expérimentées en France et au Vietnam. Devant un public, particulièrement attentif, Cédric Villani, s'est interrogé sur les raisons qui rendent les mathématiques "si éprouvantes à apprécier par les apprenants" et surtout "si difficiles à transmettre pour les enseignants". Occasion pour lui de rappeler avec insistance que les mathématiques servent à mieux se "débrouiller dans la vie de tous les jours mais surtout à se familiariser au maniement de l'abstraction, comprendre mieux le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui", et qui a été largement forgé, selon lui, par les mathématiques. Citant l'exemple de la France, il a confirmé que "le malaise touche aussi bien les élèves, qui ne comprennent pas l'utilité des maths", que les enseignants "qui éprouvent des difficultés en raison de moyens pédagogiques déficients", alors que paradoxalement, les opérateurs économiques, les créateurs de richesse sont toujours en quête de ce profil, qui se fait rare. Forcément, il y a toujours un déficit en enseignants dans cette filière. Il a plaidé pour la méthode de Singapour, qui a réussi aussi bien en raison de l'excellente formation des enseignants que de la méthode elle-même, fondée sur des principes déjà connus. Ngô Bảo Châu, professeur à l'université de Chicago et membre de l'Académie des arts et des sciences des Etats-Unis, membre associé de l'Académie des sciences de Paris et directeur scientifique du Vietnam Institut for Advanced Study in Mathematics à Hanoï, a préféré parler, in fine, de l'expérience vietnamienne en matière d'enseignement des mathématiques. On comprend en substance que l'éducation est au cœur des "enjeux de développement de toute société car elle touche à l'être humain et à la formation des nouvelles générations". C'est la raison pour laquelle les programmes scolaires et universitaires y sont continuellement adaptés, voire renouvelés. Enfin, le Pr Mokrane s'est penchée sur "l'algorithme du Page Rank de Google". M. OUYOUGOUTE