Devant quelques journalistes, les membres de l'association, accompagnés par une avocate, ont relaté la situation grave et choquante qui est la leur au CHU d'Oran. "Depuis deux mois, il y a un manque de médicaments ; il n'y a plus la première ligne de la trithérapie, et à la fin de l'année, c'est la rupture totale des médicaments au CHU d'Oran. Il n'y aura plus du tout de médicaments. Le traitement (la trithérapie) est une question de vie ou de mort pour nous !" C'est à la fois un appel de détresse et un cri de colère qui ont été lancés, en ces termes, hier matin, par la présidente et les membres d'une association de personnes vivant avec le VIH et dénommée Association rêve de vivre positive, lors d'un point qui s'est tenu au siège local de la Laddh. Devant quelques journalistes, les membres de l'association, accompagnés par une avocate, ont relaté la situation grave et choquante qui est la leur au niveau du Chuo et ailleurs, dès qu'il s'agit d'accès aux soins et de prise en charge. Si, hier, les mots étaient forts, c'est parce qu'il y a urgence pour toutes les personnes vivant avec le VIH et qui se soignent au service infectieux de cet établissement hospitalier. Se soigner, c'est beaucoup dire, comme nous l'avons appris. "Nous avons ici des personnes qui, depuis 2010, ne peuvent plus faire des examens, comme la charge virale. Dans le privé, cet examen coûte pas moins de 14 000 DA. À l'hôpital, il ne se fait plus depuis longtemps : une fois c'est le manque de réactifs et maintenant on nous dit que c'est l'appareil qui est en panne", témoignent plusieurs des présents dont certains sont venus d'autres villes de l'Ouest. Le Chuo est l'établissement de référence pour la prise en charge des personnes porteuses du VIH. Pourtant, il nous sera expliqué que cet examen est vital pour déterminer la quantité de virus dans le sang et, donc, prescrire quelles molécules pour le traitement. Plus dramatique, la rupture touche aussi les médicaments pédiatriques, ceux destinés aux enfants nés avec le VIH, où infestés lors de la grossesse de la maman porteuse du virus. C'est du bricolage qui est fait, comme l'explique le père d'un bébé. "On m'a appelé pour me dire de venir prendre le sirop de mon enfant. Ils sont en train de rappeler des parents pour récupérer de chez eux ce qu'il leur reste comme médicaments et les donner à d'autres enfants." Devant les défaillances de la prise en charge, la majorité des malades n'ont pas les ressources financières pour faire les examens dans le privé et, donc, y renoncent tout simplement avec ce que cela implique sur leur état de santé. En l'absence de traitement, et si seulement une molécule est en rupture, le virus devient résistant, pouvant du coup provoquer le développement de la maladie chez les patients. Par ailleurs, la molécule AZT, qui a été abandonnée dans nombre de pays, continue à être utilisée en Algérie, alors qu'elle a des effets secondaires très nocifs pour les malades et coûte plus cher que les autres molécules existant sur le marché actuellement. Lors du point de presse, l'association a également dénoncé l'état des lieux catastrophique du service infectieux, répugnant et repoussant, ou encore l'absence d'anonymat, de moyens de prise en charge et d'organisation des soins. Parfois "deux médecins sont là pour 120 malades, ils ne peuvent même pas vous toucher pour vous ausculter", témoignent plusieurs présents. La stigmatisation est partout chez les dentistes, les services de chirurgie, dans la vie de tous les jours. La présidente de l'association dira encore que le Chuo recense 5 400 dossiers de personnes porteuses du VIH, beaucoup venant de plusieurs wilayas de l'Ouest. Certains se sont vus signifier que désormais, ils devront se rendre dans le service à Sidi Bel-Abbès qui n'est pas mieux loti. Rajouté à la crainte d'être stigmatisés dans leurs villes, des patients se sont vus demander de refaire tout le dossier médical pour le transfert, soit plus de 40 000 DA encore à débourser. "Non ! C'est trop ! On n'en peut plus, cela fait plus de dix ans que je viens au Chuo, je ne veux pas changer", dira un intervenant. Face à ces situations douloureuses, de mépris et la non-prise en charge des malades, l'association en appelle au ministre de la Santé pour qu'il vienne en urgence voir ce qui se passe au Chuo et dans la santé à Oran. D'ailleurs, les membres de l'association envisagent des actions à l'avenir, comme un dépôt de plainte. Et de lâcher à maintes reprises : "Nous revendiquons notre droit à la santé. Oui, nous avons ce droit d'être soignés !" D. LOUKIL