L'année 2018 s'achève, mais les maux de la région Afrique du Nord – Moyen-Orient (Anemo) se maintiennent. Se rendre à l'évidence implique de reconnaître que le fait pour la région de connaître de meilleures perspectives reste un vœu pieux pour l'heure. Les raisons pour les maux de l'Anemo sont en effet multiples. Liste non exhaustive… Les ingérences étrangères continuent à incarner l'un des problèmes principaux. Les interventions internationales (Etats-Unis, Russie, pays de l'Union européenne…), qu'elles soient militaires ou sous forme d'influence politique, continuent ainsi à altérer le développement naturel des événements. Il en va de même concernant les stratégies développées par nombre d'acteurs régionaux (Emirats arabes unis, Arabie saoudite, Iran, Turquie…), toutes aussi à même d'attiser le feu des incendies régionaux. Libye, Syrie, Yémen continuent à être l'incarnation principale de ces situations. Mais cette atteinte à la souveraineté des nations ne devrait pas nous faire oublier que d'autres conflits, plus anciens, continuent à exister, et que leur résolution demeure un impératif ; ainsi va-t-il du Sahara occidental et du conflit israélo-palestinien. De la question des ingérences découlent évidemment les guerres, et les mouvements de population – réfugiés comme déplacés – s'ensuivant. Ce qui confirme une autre des tendances lourdes régionales : la frustration populaire. Tous les citoyens de l'Anemo ou presque en viennent à exprimer des motifs de mécontentement qui sont, pour l'essentiel, de nature socioéconomique et/ou politique. Il n'est de secret pour personne qu'un développement plus adéquat des perspectives socioéconomiques régionales (emplois, niveau de vie, éducation, infrastructures…) est la première des conditions requises pour pouvoir agir efficacement sur les difficultés ressenties par les populations. Mais cela ne peut non plus se faire sans une meilleure gestion par les gouvernements de leurs affaires internes, et une meilleure répartition des richesses nationales. Trop souvent, les gouvernements de l'Anemo sont restés en attente de l'injection par des acteurs étrangers de fonds censés les aider à améliorer leurs perspectives. La réalité est que, aussi bienvenu qu'ait été cet argent, il n'a pas pour autant procuré de solution durable. S'ajoute maintenant à cela, à niveau symbolique, le fait que les "gilets jaunes" en France, ou le ralentissement de l'économie allemande, nous rappellent que les priorités étatiques des bailleurs de fonds potentiels peuvent vite changer. Les gouvernements de l'Anemo seraient bien inspirés de se prendre en main sur le plan économique, plutôt que de continuer à abonder dans une contradiction qui les pousse à clamer une souveraineté étatique d'une part, et faire la quête d'autre part. Enfin, on ne peut que continuer à déplorer combien le manque de remise en question et d'autocritique de la part de beaucoup de nos leaders contribue, lui aussi, à l'entretien des problèmes de la région. Beaucoup d'entre eux ont propension à se réfugier derrière des motifs et explications rejetant la responsabilité et les accusations sur "l'autre", cette entité abstraite si commode. Un "autre" que l'on arrime par ailleurs à ces autres facteurs qui sont source tout aussi connue d'instabilité régionale : la question iranienne, la rivalité saoudo-iranienne, la politique américaine au Moyen-Orient, mais aussi les prix plongeants du pétrole, l'absence de consensus durable avec les homologues de la région, les dangers du radicalisme, le poids du terrorisme. En faut-il davantage pour pointer la "complexité" des enjeux régionaux ? Cependant, on aura beau répéter ces sempiternels motifs, le fait n'est pas moins que l'absence de renouvellement des classes politiques, la perpétuation par de jeunes leaders des réflexes adoptés par les responsables qui les ont précédés dans la fonction, les limites des politiques socioéconomiques, en un mot l'incapacité à s'adapter aux réalités, sont eux des facteurs centraux dans l'accroissement des maux d'une région dont on se demande continuellement combien de temps encore elle pourra supporter autant de pression. De salut pour la région Anemo, il ne semble y avoir pour l'heure. Et cela restera le cas tant que de courageuses réformes d'ampleur ne seront pas entreprises. B. M. (*) Directeur de Stractegia Consulting et enseignant-chercheur à Madrid.