Figure du féminisme algérien et maghrébin, les hordes islamistes l'ont ciblée parce qu'elle symbolisait la vie, la résistance et l'engagement, social, culturel et politique. Ils étaient des dizaines d'acteurs associatifs, de militants politiques à se rassembler, hier, en hommage à Nabila Djahnine, assassinée le 15 février 1995. Ils ont répondu présent à l'appel du collectif des féministes de Béjaïa, qui a choisi fortuitement le lieu du rassemblement, à savoir la résidence qui porte le nom de la militante. C'était une occasion d'évoquer son parcours militant de la présidente de l'association Tighri N'tmetut (Cri de femmes). La veille, un hommage lui avait été rendu dans son quartier natal, Lhuma ubazin, dans le sillage de l'évocation de son souvenir par l'association Humet el Vizen et le CVB (Club Vizen Bgayet). Son domicile familial et les maisons alentour étaient illuminés par des bougies pendant toute la nuit, donnant plus d'éclat au portrait géant de la militante, accroché sur la façade du siège de l'association. Et pour le jour anniversaire de son assassinat, une gerbe de fleurs a été déposée sur sa tombe par les membres de l'association et une quinzaine d'enfants du CVB. "Au-delà de ce rituel cérémonieux, il y a un fort message dégagé par cet hommage : la nouvelle génération n'oublie pas le combat de Nabila", a déclaré avec insistance Kader Sadji, le président du Café littéraire de Béjaïa. Nabila Djahnine a été froidement assassinée au tournant d'une rue à Tizi Ouzou où elle avait décidé de s'installer après des études d'architecture. Figure du féminisme algérien et maghrébin, les hordes islamistes l'ont ciblée parce qu'elle symbolisait la vie, la résistance et l'engagement, social, culturel et politique. C'est assurément pour cela qu'elle demeure dans la mémoire collective des Algériens un symbole de la résistance d'où les hommages qu'elle continue à recevoir à chaque anniversaire de son assassinat. Son nom est étroitement lié à la résistance des femmes algériennes à l'instar de la jeune lycéenne, Katia Bengana, qui avait refusé de porter le voile. Deux ouvrages viennent de lui être consacrés et auxquels ont participé des artistes, des écrivains, des poètes des deux sexes et dans les trois langues : tamazight, arabe et français. Son évocation est aussi un devoir de mémoire pour que nul n'oublie le sacrifice des Algériens et des Algériennes qui avaient dit non à l'obscurantisme, à l'injustice et pour une "Algérie sociale et démocratique". À 30 ans, Nabila Djahnine avait déjà beaucoup accompli. Quand elle quitte Béjaïa après avoir décroché son baccalauréat, elle était déjà très active : elle avait baigné dans un monde d'échanges et de culture : le théâtre amateur, le cinéma, la poésie, la littérature, etc. Avec ses amis, ses frères et sœurs, elle était initiée à la politique. Elle était déjà militante au Groupement communiste révolutionnaire (GCR), qui s'est mué en Parti socialiste des travailleurs (PST). Aussi, c'est naturellement qu'elle sera membre actif du comité des cités universitaires de l'université de Tizi Ouzou, en marge de ses études en architecture ; elle a participé à la fondation du Syndicat national des étudiants algériens, comme elle a contribué, dans les années 1980, à la préparation et au déroulement des deuxièmes assises du Mouvement culturel berbère, "pour la reconnaissance par le pouvoir politique de la langue et de la culture berbères". Son engagement était effectivement pluriel. Et bien qu'elle ne soit pas du tout sectaire, elle était touchée par la condition de la femme algérienne, reléguée au second plan notamment par le code de la famille. Elle sera alors cofondatrice de l'Association pour l'émancipation de la femme, et en 1990, de l'association Tighri n'tmetut (Cri ou écho de femmes), dont elle était présidente, avant de tomber sous les balles de ses assassins. Elle sera même, vers la fin des années 1980, membre de la direction du Parti socialiste des travailleurs (PST) et de la commission femmes de ce dernier. Sa sœur, Habiba, réalisatrice, lui a rendu hommage à travers un film documentaire, Lettre à ma sœur, projeté dans plusieurs pays. M. Ouyougoute