Le militant politique au long cours a affirmé que la transition ne doit pas être longue. L'ancien président du Rassemblement pour la culture et la démocratie, Saïd Sadi, invité hier de TSA-direct, a estimé que l'élection présidentielle du 18 avril prochain ne peut pas se tenir de fait. Considérant que l'Algérie n'est pas face à une crise politique, mais face à une impasse historique, il a souligné que "ce n'est pas parce que Bouteflika ne se présente pas aux élections que les autres s'y présenteront. Cela revient à faire le même jeu que le pouvoir. Le 5e mandat est dépassé. L'opposition doit se réunir". Concernant le mouvement populaire, M. Sadi s'est réjoui de l'émergence de cette jeunesse jusqu'ici étouffée et qui a exprimé, intelligemment et spontanément, son mécontentement qui pouvait finir dans la violence. "Tous les partis se valent, mais il y a des militants anonymes qui ont sacrifié leur famille et leur vie pour dire non à ce système et qui ont démontré qu'il est possible de se battre dans le calme sans s'abîmer dans la violence (…) Il faut être modeste et accompagner ce mouvement. Il faut que cette spontanéité continue, car c'est la vie qui revient en Algérie." Tout en estimant que "l'élection du 18 avril prochain sera reportée de fait", M. Sadi a affirmé que la transition ne doit pas, non plus, être longue. Par ailleurs Saïd Sadi a réagi au discours prononcé, mardi dernier à l'Académie militaire de Cherchell, par le vice-ministre de la Défense nationale et chef d'état-major, le général-major Ahmed Gaïd Salah. "J'ai lu l'ambiguïté et les hésitations des observateurs qui trouvent des choses et leur contraire et je les partage. Il y a la tentation de revenir aux menaces des années 1990, mais il y a aussi la volonté de ne pas du tout parler de l'élection, alors que jusqu'ici on ne parle que du chef de l'Etat et de ce qu'il a fait. Cela reflète l'état des rapports de force qui est en train de prévaloir au sommet de l'Etat. Les clans s'observent. Personne ne tente de s'imposer à l'autre et essaye de gagner du temps. Mais, je pense que ce statu quo au sommet de l'Etat est en contradiction totale avec la dynamique et la lame de fond qui existent dans la société algérienne qui est en train de renaître et de revivre. J'espère que l'armée algérienne entendra et comprendra ce moment historique et qu'elle profitera de cette opportunité unique qui se présente à elle, comme à nous tous, pour construire la cité algérienne", a affirmé M. Sadi. Pour l'ex-chef de file du RCD, "on demande à l'armée de ne pas s'opposer à un mouvement qui est du registre historique. Car, nous venons d'assister à un miracle. Cette jeunesse qui était dans une boucherie de l'éducation nationale, aliénée et conditionnée pour la haine de soi et de l'autre et pour la violence. Je n'ai pas vu un seul mot déplacé dans les manifestations." Pour M. Sadi, cette insurrection populaire devra faire l'objet d'une écoute attentive de la part de l'ANP, mais aussi des partis politiques et de toute la nation algérienne. Préventif, M. Sadi analyse : "Je crois et j'espère que l'Armée nationale populaire (ANP) saura échapper aux engagements dans lesquels certains hommes ambitieux, mais pas toujours responsables, l'ont entraînée au lendemain de l'indépendance contre le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne, ndlr). C'est le premier coup d'Etat de 1962 qui est en train de résonner. Ce sont ses répliques qui sont en train de se décliner de diverses manières jusqu'à aujourd'hui (…) L'ANP a une opportunité historique, elle aussi, pour être en symbiose avec la population et être, pour le coup, en résonance avec la glorieuse ALN (Armée de libération nationale, ndlr). C'est là la digne héritière de l'ALN qu'elle sera si elle entend, comprend et assume réellement ce qui se passe dans la cité algérienne." Interrogé sur la gestion des marches par les services de sécurité, M. Sadi fera remarquer que "le pouvoir a compris qu'il n'avait aucun intérêt à réprimer. Ensuite, il y a la composante de ces services de sécurité. Ce sont nos enfants. Nous avons cette image symbolique d'un manifestant en train d'embrasser un policier. J'ai vu vendredi dernier des policiers tétanisés et perdus. La situation a muté même dans la tête des policiers. Ce qui se passe actuellement est irréversible, y compris pour les services de sécurité". Abordant l'attitude de l'opposition, M. Sadi espère que les ambitions personnelles ne parasiteront pas ce mouvement. Les jeunes appellent à un changement radical qui nécessite la mise à plat de l'ensemble des éléments qui ont été à l'origine du blocage et de la déchéance, du marasme économique et du désarroi social qu'ils vivent. FARID BELGACEM