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Addi Lahouari répond à nordine Aït Hamouda
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 14 - 07 - 2010

Le Soir d'Algérie du 7 juillet 2010 a publié un pamphlet d'une rare violence verbale à mon égard signé par le député du RCD Nordine Aït Hamouda. M'accuse-t-il de profaner la mémoire du colonel Amirouche ? Non ! D'être anti-kabyle ? Non ! Il m'accuse tout simplement de critiquer le président du RCD, Saïd Sadi.
Il est permis, selon lui, de critiquer Boussouf, Ben Bella, Aït Ahmed, Mahsas, et même le président de la République Bouteflika ou les généraux, mais pas Saïd Sadi. De la part d'un député qui se réclame de l'opposition démocratique, il y a de quoi s'inquiéter pour l'avenir du pays. Ce qui a fait perdre à Nordine Aït Hamouda son sang-froid, c'est une phrase extraite d'une interview accordée à un journal électronique (http://lequotidienalgerie.org) dont voici un extrait : «Question : je suppose qu'il a été question aussi de la polémique suscitée par le livre de Saïd Sadi ? Réponse : la conférence portait sur l'écriture de l'histoire et j'ai cherché à donner mon point de vue à Tizi-Ouzou parce que j'étais gêné par la tournure pro et anti-kabyle que prenait la polémique dans les journaux. Il fallait «dékabyliser» le débat et le centrer dans son cadre politique et théorique. Dans les journaux, la polémique glissait vers une tournure dangereuse : Boussouf l'Arabe a trahi Amirouche le Kabyle. Nos grands-parents et nos parents, malgré l'ethnocentrisme de la société rurale traditionnelle, ne nous ont pas légué l'hostilité entre berbérophones et arabophones. Il est de la responsabilité de notre génération de ne pas transmettre à nos enfants la haine entre groupes sociaux. Il y a des problèmes politiques liés à l'autoritarisme, aux limites idéologiques du nationalisme algérien et à l'absence de démocratie, et il ne faut pas ethniciser les divergences et oppositions. Pour revenir à l'ouvrage de Saïd Sadi, il a le droit d'écrire un essai d'histoire où il donne son interprétation du passé. Il a occupé un vide, et on ne peut lui en faire le reproche. Je ferais néanmoins une remarque car Saïd Sadi est un homme politique. Je pense que sa démarche n'est pas cohérente dans la mesure où, d'un côté, il critique le MALG – et en cela il a tout à fait raison – et d'un autre côté, il a soutenu le néo- MALG, le pouvoir réel, quand il a annulé les élections de janvier 1992. Il a condamné le coup d'Etat de 1962 mais a soutenu celui de janvier 1992 ! S'il répond que l'armée a sauvé la République en 1992, il doit accepter l'idée que le MALG a sauvé la révolution. Un homme politique doit être cohérent pour être crédible. Il dira qu'il critique le régime, mais en fait, il s'en prend surtout au pouvoir formel alors que tout le monde sait que Bouteflika n'a aucune autorité. Un ami à Oran me disait : Saïd Sadi critique le pouvoir formel qui est de l'Ouest et oublie le pouvoir réel qui est de l'Est. La réponse du berger à la bergère. Cela a suffi au député du RCD pour se déchaîner m'accusant d'avoir fui le pays, d'être un renégat, etc. Au lieu de montrer en quoi les deux événements, 1962 et 1992, sont différents et en quoi ma position serait erronée, il insulte et s'adonne à des attaques mensongères qui portent atteinte à son statut de député de la nation et à la crédibilité de son parti. Il affirme même que je suis vacataire en France alors qu'il lui suffit d'aller sur le site Web de l'Institut d'études politiques de l'Université de Lyon pour qu'il voie que je suis professeur des universités encadrant des thèses de doctorat. Ce que Nordine Aït Hamouda aurait dû faire, c'est de m'inviter à faire un exposé aux députés du RCD à l'Assemblée nationale sur les propos que j'ai tenus et d'avoir un débat d'analyse théorique contradictoire, franc et fraternel. Comment un universitaire peut-il répondre à des insultes écrites dans un journal ? La meilleure façon, me semble-t-il, est de sortir de l'invective et de se placer sur le terrain du débat et de l'analyse du système politique algérien pour aider les acteurs à dépasser leurs contradictions. Cela profitera aux lecteurs du Soir d'Algérie, aux militants du RCD et au député Aït Hamouda. Je développerais trois thèmes : l'islamisme, la bipolarité du pouvoir d'Etat et le rôle de l'armée et enfin la polémique autour du livre sur le colonel Amirouche.
L'islamisme
J'ai rencontré Saïd Sadi en 1989 et nous avions entretenu des rapports amicaux jusqu'en 1993-94. Nous avons divergé sur les élections remportées par le Fis en décembre 1991 et sur la position à adopter. En appelant à l'annulation de ces élections, je considérais qu'il surestimait «le danger islamiste» et me reprochait de sous-estimer ce danger. Pour lui, la transition démocratique était possible sans les islamistes. Pour moi, compte tenu de la situation historique de notre société et de la place de l'Islam dans la vision du monde de l'Algérien, il était impératif de trouver des règles de jeu avec les islamistes pour les insérer dans le schéma institutionnel pour éviter la violence. Saïd Sadi n'était pas de cet avis et, estimant que la venue des islamistes au pouvoir, même par les élections, compromettrait l'avenir du pays pour 50 ans. Ce qu'il n'a pas vu, c'est que cette position mène à l'impasse et au statu quo, et repose sur une analyse erronée du mouvement islamiste. Dans notre société, la culture et l'histoire ont fait jouer à l'Islam un rôle politique, ce qui a donné naissance au mouvement islamiste qui s'est renforcé avec la démocratisation de l'enseignement réalisée par l'Etat indépendant. Les générations nées après l'indépendance ont eu une éducation où la grille de lecture des rapports sociaux est dominée par la morale religieuse. Devenues adultes, ces générations ont exigé la moralisation des rapports d'autorité croyant atteindre par là la construction de l'Etat de droit. De ce point de vue, l'islamisme est dans la continuité idéologique du nationalisme algérien et il est aussi le produit contradictoire de la modernité. Il exprime la volonté des masses populaires à être présentes dans le champ de l'Etat d'où elles sont exclues par l'autoritarisme. Mais d'un autre côté, l'islamisme n'a pas la philosophie politique pour donner naissance à des institutions représentatives de la population en raison de la conception divine de la souveraineté. Cette contradiction, au cœur de l'idéologie islamiste, le fera nécessairement évoluer vers des conceptions du politique plus proches des hommes que de l'utopie. Cette évolution était déjà perceptible chez les djazaristes représentés par Abdelkader Hachani. Si, en tant qu'éducateurs et élites, nous arrivons à convaincre les jeunes que le Coran donne autant d'importance sinon plus au mouamalate qu'aux ibadate, si nous arrivons à leur montrer qu'il faut juger un homme ou une femme sur ses actes et non sur ses devoirs envers Dieu, nous aurons créé une dynamique de démocratisation à laquelle les islamistes prendront part. Ce n'est pas l'Islam qui pose problème à la démocratie, c'est plutôt son interprétation médiévale faite de bigoterie. Dans le Coran, il y a des ressources théologiques pour justifier la démocratie fondée sur la souveraineté humaine que certains courants de pensée islamiste appellent sayyada pour la distinguer de hakimiya. Hakimiya li Allah, sayyada li chaâb (le pouvoir suprême à Dieu, la souveraineté au peuple). C'est Abou el ‘Ala Mawdudi, islamiste pakistanais (1909-1979), qui a traduit hakimiya par souveraineté, ce qui est une erreur parce que ce concept est moderne et ne date que du 16e siècle. Sayyada est plus approprié pour le traduire. L'Europe est aussi passée par là, donnant naissance aux courants chrétiens-démocrates et sociauxdémocrates. J'ai écrit de nombreux articles parus dans des revues scientifiques aux Etats-Unis et en Europe où j'ai expliqué ce processus que j'ai appelé «la régression féconde». J'invite Nordine Aït Hamouda à les consulter pour comprendre la portée et les limites du phénomène islamiste. Religion and Modernity in Algeria, Journal of Democracy, octobre 1992, Islamist Utopia and Democracy, The Annals of the American Academy of Political and Social Science, novembre 1992, Algeria's Tragic Contradictions, Journal of Democracy, juillet 1996, The Failure of Third World Nationalism, Journal of Democracy, octobre 1997, ou encore ma contribution Political Islam and Democracyà l'ouvrage collectif dirigé par A. Hadenius, D emocracy's Victory and Crisis, Cambridge University Press, 1997.
Il pourra consulter mes différents articles parus dans Le Monde diplomatique de 1989 à 2006. Ces thèses ont été aussi développées dans mes ouvrages en langue française L'Algérie et la démocratie, La Découverte, 1995, Les Mutations de la société algérienne, La Découverte, 1999, et enfin Sociologie et anthropologie. Le paradigme anthropologique kabyle et ses conséquences théoriques, La Découverte, 2002. Le RCD ne partage pas cette analyse et semble miser sur la modernisation autoritaire. Mais sur quelles forces sociales et sur quels courants politiques s'appuyer pour mener son projet ? Le scénario de Mustapha Kemal Attatürk, qui attire Saïd Sadi, n'est pas possible dans les conditions de la mondialisation. Saïd Sadi voudrait mener la modernisation de la société en ignorant les islamistes. Il compte s'appuyer sur les élites urbaines et sur les courants dits modernistes dans l'Etat et dans l'armée. Ceci mènera à l'impasse parce que, premièrement, les élites urbaines, récemment constituées, n'ont aucune légitimité sociale auprès des couches populaires et, deuxièmement, parier sur l'existence de courants politiques dans l'armée est une gageure. L'armée appartient à toute la nation et il lui est difficile de s'identifier à un seul courant de la nation. Saïd Sadi a l'Algérie dans le cœur, mais sa stratégie politique mène à l'impasse, ce qui fait le jeu du régime qui n'a qu'un objectif : se maintenir.
La bipolarité du pouvoir d'Etat et le rôle politique de l'armée
Le régime algérien a une histoire et une logique héritée de cette histoire. Il est caractérisé par la bipolarité du pouvoir d'Etat divisé entre pouvoirs réel et formel, bipolarité qui trouve son origine dans le mouvement national avec l'opposition entre le PPA clandestin et le MTLD légal, l'état-major général et le GPRA, et qui s'est poursuivie après l'indépendance. La seule période où ces deux pouvoirs étaient unifiés était celle de Boumediène qui se prévalait de la légitimité historique et des institutions. L'histoire de l'Algérie a fait de la violence, et donc de l'armée, la source de la légitimité politique. C'est pourquoi le régime s'est constitué idéologiquement dans la négation du politique qui relève d'un carré très étroit d'officiers supérieurs. En Algérie, le ministre n'a aucune autorité politique, c'est un fonctionnaire désigné par des appareils qui refusent de s'institutionnaliser. Le président n'échappe pas à cette logique qui fait de lui le chef de l'administration gouvernementale et non le chef de l'Etat. Dans ce système, il y a un seul acteur politique, le DRS, qui veille à ce que l'Etat ne soit pas investi par des élites représentatives de la population. A cette fin, une opposition formelle est mise en place pour servir de paravent démocratique. Dans cette mission, le DRS s'inscrit dans le prolongement de l'idéologie du mouvement national : il ne veut pas que les Algériens se divisent politiquement et, à cette fin, il leur interdit de faire de la politique. Là se pose le problème du rôle de l'armée dans le champ politique. C'est l'ALN qui a créé l'Etat indépendant et, historiquement, l'ANP est issue de l'ALN. Il y a cependant une différence de taille entre les deux : l'ALN est une organisation révolutionnaire qui cherchait à transformer la situation politique en détruisant le système colonial. L'ANP est une armée classique et, en tant que telle, elle est attachée au maintien de l'ordre établi, refusant les ruptures brutales. L'annulation des élections de janvier 1992 peut être interprétée comme le refus d'une rupture brutale qu'elle n'a pas acceptée. Par conséquent, compter sur l'armée, ou un courant dans l'armée, pour opérer les changements nécessaires est une illusion. Le PAGS avait longtemps cru en cette illusion de l'existence «d'un courant progressiste» dans l'armée, ce qui a été la cause de sa disparition. Un parti politique ne doit pas bâtir sa stratégie sur des illusions. Il doit investir dans le long terme et défendre les principes constitutifs de la modernité. Le nationalisme algérien comporte des dynamiques de modernité, mais il connaît aussi des obstacles qui lui sont propres. Il faut prendre conscience de ces obstacles et les analyser pour accompagner les changements dont est grosse la société. Les générations précédentes ont créé une conscience nationale, une nation, mais le régime qui en est issu croit protéger celle-ci en refusant l'émergence d'une société civile avec de vrais partis et des syndicats représentatifs, en s'opposant à la construction de l'Etat de droit qui arbitre les conflits sur la base de la règle juridique et enfin en empêchant l'économie de s'organiser sous forme de marché qui suppose la concurrence. La nation s'organise sociologiquement en société civile, politiquement en Etat de droit et économiquement en marché. L'Etat de droit, la société civile et le marché appartiennent désormais à la perspective historique de l'Algérie enclenchée par le mouvement national sous la colonisation. Les partis devraient s'inscrire dans le sens de cette perspective, en demandant la réhabilitation du politique et l'institutionnalisation des rapports d'autorité.
La polémique autour du livre sur le colonel Amirouche
Saïd Sadi est un homme politique à vocation nationale. Dans son livre sur le colonel Amirouche, il cite le colonel Lotfi et le capitaine Zoubir de la Wilaya V, victimes de rivalités dans le FLN. Son livre est une contribution à l'histoire du FLN et des luttes qui l'ont marqué. Sa thèse – Amirouche aurait été trahi – est plausible et il est possible qu'elle soit démontrée avec des archives non disponibles aujourd'hui. S'il a choisi le colonel Amirouche, c'est parce que celui-ci est un héros national perçu comme tel dans toute l'Algérie. Dans les principales villes du pays, il y a le boulevard ou l'avenue Amirouche. Mais dans la polémique – qui avait duré plusieurs mois – Saïd Sadi ne cherchait pas à rassembler, à convaincre celui qui s'oppose à sa thèse. Dans la polémique, il a été plutôt brutal, souvent méchant, personnalisant et régionalisant le débat. En parlant de Ben Bella, Mahsas, Ali Kafi…, il est irrespectueux. Qu'on le veuille ou non, et même si on ne partage pas leurs convictions politiques, Ben Bella, Ali Kafi, Mahsas… sont des symboles et on ne les traite pas comme des moins que rien. Un homme politique doit faire attention à la forme pour ne pas blesser gratuitement ses compatriotes. A l'échelle de l'histoire du mouvement national, Abdelhafid Boussouf – dont je n'apprécie pas les méthodes – est un monument. C'est un militant des années 1940 socialisé dans la clandestinité et élevé dans le culte de la violence contre le système colonial. Pour lui, une divergence politique doit se résoudre par la disparition physique. Si Ferhat Abbas avait la force de caractère de Abbane, il l'aurait tué. La haine que Boussouf avait pour le système colonial, il l'exprimait face à quiconque s'opposait à lui. Il a été concurrencé sur son propre terrain par Amirouche qui avait la légitimité des armes, celle-là même dont il se réclamait. Dans cet état d'esprit, dans cette culture du PPA clandestin, Boussouf devait éliminer Amirouche ou inversement. Amirouche était parti vers Tunis non pas pour prendre du thé mais pour régler des comptes avec ceux qu'il accusait d'étouffer les maquis de l'intérieur. Les dirigeants installés à Tunis étaient hostiles à Amirouche non pas parce qu'il était Kabyle mais parce qu'il incarnait la légitimité de l'intérieur. Amirouche était le porteparole informel des maquis du Centre, de l'Ouest, de l'Est et du Sud. Les dirigeants installés à Tunis craignaient qu'il ne devienne le chef d'état-major de l'ALN qu'il voulait transférer à l'intérieur. Par conséquent, il n'y a pas d'anti-kabylisme, il y a une lutte féroce pour le pouvoir. Abbane Ramdane en a fait les frais au prix de sa vie. Il avait été mis en minorité au CNRA du Caire et marginalisé parce qu'il était en avance sur ses compagnons d'armes. Là où Saïd voit du régionalisme, il y a simplement des limites idéologiques. L'Algérie est indépendante grâce à Boussouf, Amirouche et leurs compagnons. Le regard qui doit être porté sur eux ne doit pas être manichéen, tout blanc ou tout noir. Il faut surtout dépasser la manière avec laquelle ils faisaient la politique, il faut dépasser leur nationalisme guerrier qui se retrouve dans la plume de Saïd Sadi. J'ai dit aux étudiants de l'Université Mouloud-Mammeri que si l'Algérie veut construire un ordre politique moderne, il faut impérativement que les Algériens s'entendent sur un postulat de base qui ne doit souffrir aucune exception : la valeur suprême dans la société est la vie humaine. On ne fait pas de politique en sacrifiant des vies humaines. Pour respecter ce postulat, il faut trois conditions : 1. Le monopole de la violence doit appartenir à l'Etat. 2. Ce monopole doit être exercé par les agents de l'Etat dans le cadre de la loi. 3. La loi doit être faite par une Assemblée nationale représentative. C'est ce projet qu'un Saïd Sadi moins belliqueux devrait défendre. En conclusion, et pour revenir à Nordine Aït Hamouda, je voudrais lui dire que la politique, c'est comme le football. Il faut jouer le ballon et non l'homme. S'il insulte l'adversaire sur le terrain, l'arbitre – l'opinion publique – sortira le carton rouge.
L. A.


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