Le départ d'Ouyahia ne change rien à l'équation. Son remplaçant et son adjoint sont tous les deux issus du gouvernement sortant. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, n'a pas survécu aux manifestations de rue et au retour du chef de l'Etat de son séjour hospitalier à Genève. Hier, en fin de journée, il a officiellement présenté sa démission du poste de Premier ministre à Abdelaziz Bouteflika. Aussitôt sa lettre de démission remise, le chef de l'Etat a nommé à sa place Noureddine Bedoui, ex-ministre de l'Intérieur. Dans le même temps, Ramtane Lamamra a été nommé au poste de vice-Premier ministre, un poste créé pour la première fois et dont le décret a été signé, hier. Ce changement d'Exécutif, conçu principalement pour calmer une rue qui ne cesse de dénoncer le recours à un 5e mandat et le système, a été prévu dans la lettre du chef de l'Etat, diffusée quelque temps auparavant et dans laquelle il a annoncé le report du scrutin présidentiel et son retrait de la prochaine compétition qui sera organisée après les conclusions de la conférence nationale inclusive. "Dans la perspective d'une mobilisation accrue des pouvoirs publics et du rehaussement de l'efficacité de l'action de l'Etat dans tous les domaines, j'ai décidé de procéder tout prochainement à des changements importants au sein du gouvernement. Ces changements constitueront une réponse adéquate aux attentes dont vous m'avez saisi, ainsi qu'une illustration de ma réceptivité à l'exigence de reddition des comptes et d'évaluation rigoureuse dans l'exercice des responsabilités à tous les niveaux et dans tous les secteurs", a écrit le chef de l'Etat dans sa lettre. Il a ajouté dans la même missive que "dans le but de contribuer de manière optimale à la tenue de l'élection présidentielle dans des conditions incontestables de liberté, de régularité et de transparence, il sera formé un gouvernement de compétences nationales bénéficiant du soutien des composantes de la conférence nationale. Ce gouvernement assumera la supervision des missions de l'administration publique et des services de sécurité et apportera sa pleine collaboration à la commission électorale nationale indépendante. Pour sa part, le Conseil constitutionnel assumera, en toute indépendance, les pouvoirs que lui confèrent la Constitution et la loi en matière d'élection présidentielle". Ahmed Ouyahia, un des responsables que les millions de manifestants brocardent à chaque action de rue, est considéré comme l'un des artisans de la situation que vit le pays. Arrogant et cynique, l'homme des "sales besognes" est sacrifié pour tenter de calmer la rue. Occupant toujours le devant de la scène pour défendre les choix du pouvoir, aussi contradictoires soient-ils, Ouyahia a toujours fait montre d'une fidélité sans limite, même pour les décisions les plus contestables. L'Algérien garde une image des plus déplaisantes et désagréables d'Ahmed Ouyahia tant est qu'il s'est donné la réputation de l'homme le plus antipopulaire parmi les potentats du système. Capable de changer de position au gré du vent, Ouyahia n'a jamais eu une position claire ou constante durant toute la carrière qu'il a passée au sein des institutions de l'Etat. Plusieurs fois ministre, chef de gouvernement et Premier ministre, Ouyahia restera l'un des hommes qui a duré le plus longtemps au sein du pouvoir. Le départ d'Ouyahia ne change rien à l'équation. Son remplaçant et son adjoint sont tous les deux issus du gouvernement sortant. Ce n'est certainement pas la meilleure réponse à donner au peuple qui réclame, outre le départ de Bouteflika, la nomination d'un gouvernement composé de personnalités qui ne se recrutent pas parmi les commis qui ont servi le système, dans le gouvernement ou ailleurs. À ce rythme, il n'est pas étonnant de voir recyclés dans le prochain gouvernement des affidés du système. Abdelouahab Derbal remercié Dans le sillage des limogeages et des nominations, le chef de l'Etat "a signé, hier, un décret présidentiel mettant fin aux fonctions du président de la Haute instance indépendante de surveillance des élections (Hiise), Abdelouahab Derbal, et des membres désignés de cette instance", indique un communiqué de la présidence de la République rapporté par l'APS. Mohamed Mouloudj