Dans cette bataille, assimilée à une partie d'échecs, Ouyahia reste la seule pièce sacrifiée. Le nouveau chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, a reconduit, moins de vingt-quatre heures après sa nomination, dans son intégralité le gouvernement sortant, à l'exception de la nomination de Hachemi Djiar, jusque-là conseiller du chef de l'Etat, au poste de ministre de la Communication. Ce dernier est resté vacant depuis le départ de Boudjemâa Haïchour, nommé lors du dernier remaniement ministériel du 1er mai 2005 à la tête du ministère de la Poste et des Technologies de l'information. C'est la seule nouveauté dans l'Exécutif d'Abdelaziz Belkhadem, remplaçant au pied levé d'Ahmed Ouyahia qui a dû démissionner sous la pression de fortes tensions éclatées au jour entre son parti, le RND, et le FLN majoritaire au Parlement, aidé en cela par les prises de position du MSP. Le départ d'Ouyahia s'explique, selon certains analystes, par le fait qu'il n'est point partisan d'une révision de la Constitution qui permettrait à l'actuel président, élu en 1999 et réélu pour cinq ans en 2004, de briguer un troisième mandat à la tête de l'Etat, alors que le FLN a fait de cette révision une priorité. Un point de discorde que le nouveau chef de l'Exécutif a remis sur table en réaffirmant, dès sa prise de fonction, que sa priorité serait d'amender la Constitution et d'augmenter les salaires. Officieusement, c'est le projet de révision de la Constitution qui est à l'origine du conflit entre Ouyahia et son successeur, initiateur et défendeur d'un tel projet devant permettre un troisième mandat au Chef de l'Etat et transformer l'actuel quinquennat en...septennat avec la création du poste de vice-président. Une exigence que le MSP, connu pour son entrisme, soutient. En effet, Bouguerra Soltani a réaffirmé récemment, que son parti est favorable à «un régime présidentiel». Au plan social, l'augmentation des salaires soutenue par Abdelaziz Belkhadem aurait scellé le sort d'Ouyahia même si Abdelaziz Bouteflika a dans un premier temps, donné raison à Ouyahia en affirmant qu'une augmentation des salaires dépend de la productivité. De tout cet harcèlement subi par Ouyahia de la part de ses frères-ennemis de l'Alliance présidentielle, le Chef de l'Etat n'a soufflé mot. De là à penser qu'Ahmed Ouyahia gênait, il n'y a qu'un pas difficile à franchir. Surtout quand le prétexte principal invoqué, celui de porter deux casquettes: patron de l'Exécutif et secrétaire général du RND, disparaît de facto avec son remplacement par le patron du FLN qui affirmait, au même titre que le MSP que l'ex-chef de gouvernement ne pouvait assurer la «neutralité» des élections législatives de 2007! En réalité, ce changement obéirait beaucoup plus à des considérations de politique géostratégique qu'idéologique. Il exprime de fait un nouveau rapport de force. Un tel changement à la chefferie du gouvernement traduit suffisamment la force du président à imposer sa vision et ses hommes. Ce qui lui laisse un champ de manoeuvres libre. En outre, ce changement, que rien ne justifiait au vu du bilan positif d'Ouyahia, pourrait bien relancer la lutte de clans au moment où les caisses sont pleines mais où la grogne sociale ne cesse de bouillonner de l'intérieur. Aussi, dans cette bataille, assimilée à une partie d'échecs, Ouyahia reste, pour l'heure, le seul à avoir été sacrifiée. Ce qui place désormais, Abdelaziz Belkhadem en position de successeur dans le cas où la Constitution est amendée, d'autant que certaines informations avancent la date du référendum pour le prochain novembre, date de célébration du déclenchement de la lutte armée.