Les militaires soudanais avaient proposé une période de transition de deux années que la rue a rejetée. L'Union africaine est passée à l'acte lundi soir en menaçant de suspendre le Soudan de l'organisation panafricaine, si l'armée, qui a pris le pouvoir après avoir destitué le 11 avril le président Omar al-Bachir, ne le remet pas à une"autorité politique civile" dans un délai de 15 jours. Un communiqué du Conseil de paix et de sécurité de l'UA "demande que l'armée soudanaise se retire et remette le pouvoir à une autorité politique civile (...) d'ici à 15 jours maximum". Si jamais l'armée refuse de céder le pouvoir, l'UA appliquera ses protocoles, dont certains prévoient "la suspension de la participation du Soudan à toutes les activités de l'UA jusqu'au rétablissement de l'ordre constitutionnel". Par ailleurs, le Conseil de paix et de sécurité de l'UA, qui "condamne fermement et rejette totalement la prise de pouvoir par l'armée soudanaise, ainsi que son intention de mener une période de transition de deux ans", soutient qu'"une transition menée par les militaires serait complètement contraire aux aspirations du peuple soudanais, ainsi qu'aux instruments pertinents de l'UA". La même source souligne que le renversement d'un "président élu démocratiquement n'est pas conforme aux provisions pertinentes de la constitution soudanaise de juillet 2005", et qualifie la prise de pouvoir de l'armée de "coup d'Etat". À noter également que le CPS appelle l'autorité civile qui sera au pouvoir à mener "un processus inclusif et consultatif impliquant tous les acteurs et intervenants politiques soudanais" afin de trouver un accord sur les modalités de la transition menée par cette autorité civile. Rappelons que l'UA avait suspendu l'Egypte et la Centrafrique en 2013 à la suite de coups d'Etat dans ces pays, qui ont depuis été réintégrés à l'organisation. Sur le terrain, les manifestants ont durci leur position en réclamant la dissolution du Conseil militaire de transition pour le remplacer immédiatement par un pouvoir civil, et affichent leur détermination à lutter pour leurs droits devant le quartier général de l'armée. L'Association des professionnels soudanais (SPA), fer de lance de la contestation qui secoue le pays depuis le 19 décembre 2018, a demandé pour la première fois, lundi, que le Conseil militaire de transition soit dissous et remplacé par un conseil civil comprenant aussi des représentants de l'armée. Elle en a fait une condition essentielle à une éventuelle participation à un futur gouvernement de transition. La SPA a durci le ton lundi après avoir dénoncé une tentative de dispersion du sit-in qui se tient depuis le 6 avril devant le siège de l'armée à Khartoum, sans en identifier les auteurs. Hier, des milliers de personnes ont répondu à l'appel de cette association à protéger la "révolution" et ont afflué devant le quartier général de l'armée avec un message clair : "La destitution jeudi par l'armée du président Omar al-Bachir et les promesses du Conseil militaire d'instaurer un gouvernement civil, sans donner aucun calendrier, ne suffisent pas." Merzak Tigrine