Une immense foule estimée à plusieurs dizaines de milliers de manifestants a défilé, hier, dans les principales artères de la ville de Béjaïa, à l'occasion du double anniversaire du Printemps berbère d'Avril 1980 et du Printemps noir de 2001. Deux dates symboliques, voire historiques, du combat identitaire et des luttes démocratiques en Algérie, dont la commémoration a eu lieu, hier, dans l'union et la fraternité, à travers toute la région de Kabylie. Dans la capitale des Hammadites, la célébration de ces deux événements historiques a été marquée par l'organisation d'une grandiose marche populaire qui s'est ébranlée, vers 11h, depuis l'esplanade de la maison de la culture Taos-Amrouche. Le coup d'envoi de la manifestation a été donné à hauteur de la trémie d'Aâmriw, aux cris "Mazalagh dh Imazighen" (nous sommes toujours des Amazighs), "Assa azekka, amennugh yella, yella" (aujourd'hui et demain, le combat continue)… En tête du cortège, un gigantesque drapeau berbère porté par une dizaine de manifestants a été déployé au milieu de la chaussée. Aux côtés de cet étendard de l'amazighité qui était hier à l'honneur, l'emblème national flottait également dans le ciel. Une scène et une image qui s'inscrivent dans le prolongement du mouvement populaire du 22 février dernier qui trouve, de par son contenu politique, ses origines dans le mouvement fondateur de la revendication démocratique qu'a été le 20 Avril 1980. La communauté universitaire de Béjaïa, qui voulait initialement organiser sa propre marche depuis le campus de Targa Ouzemour, a fini par rejoindre les manifestants qui se sont donné rendez-vous devant la Maison de la culture. En effet, l'unité des rangs, qui a caractérisé ce 39e anniversaire du Printemps berbère, a sonné la fin de la division entre militants de la même cause. Pour preuve, toutes les tendances politiques étaient présentes dans la foule. Il y avait des cadres et militants de partis de la mouvance démocratique (RCD, FFS, MDS, PST, PT, UDS…), et mêmes des partisans du MAK, des défenseurs des droits de l'Homme, des syndicalistes autonomes, des artistes, des étudiants, des femmes démocrates… "Assa azekka, tamazight tella, tella", "Corrigez l'histoire, l'Algérie n'est pas arabe", "Pouvoir assassin", "Ulac smah ulac"… ont été les principaux slogans scandés par les marcheurs. "Pour le jugement des assassins des martyrs du Printemps noir", proclamait une imposante banderole arborée par les manifestants qui ont tenu, par ailleurs, à rendre un hommage particulier aux militants du Mouvement culturel berbère (MCB) d'Avril 1980, considérés comme des précurseurs, voire des repères, du combat identitaire, mais aussi des libertés démocratiques en Algérie. Ce combat même que reprend la nouvelle génération à travers les marches populaires qui se sont généralisées à travers le pays en réclamant le départ du système politique en place et de tous ceux qui le symbolisent. Après avoir emprunté le boulevard de la Révolution et la rue de la Liberté, la déferlante humaine converge vers la place de la Liberté d'expression Saïd-Mekbel, point de chute de la manifestation. Sur les lieux, une exposition sur les événements des deux Printemps (1980 et 2001) est organisée depuis la matinée, à l'initiative du collectif culturel des étudiants de la résidence Targa Ouzemour, dénommé Amazday Adelsan Inelmaden (AAI). Outre les coupures de presse, les photos des victimes et des acteurs des deux Printemps, les animateurs du collectif AAI ont eu l'idée de retracer la chronologie de ces deux périodes charnières de l'histoire contemporaine de l'Algérie post-indépendance. "Cette mobilisation citoyenne extraordinaire enclenchée depuis la révolte du 16 février passé n'est que la continuité des luttes qui ont précédé, dont le combat d'Avril 1980 et les douloureux événements du Printemps noir de 2001", nous dira Massinissa Mouri, l'un des animateurs du collectif AAI. K. O.