Résumé : Sadjia termine ses études et décroche un poste de travail dans une institution publique. Elle traite plusieurs cas sociaux. Un jour, une universitaire vient lui demander de l'aider à traiter le thème des enfants abandonnés. Pourquoi ? Elle hausse les épaules et soupire. -Eh bien, parce que dans notre société, cette frange a encore tendance à être marginalisée. -Vous croyez ? -J'en suis certaine. -Comment pouvez-vous l'être ? -Parce que j'en fais partie. Sadjia se lève. -Vous ? Elle ne put terminer sa phrase, et son interlocutrice reprend : -Oui. Je fais moi-même partie de cette frange. J'ai été abandonnée à ma naissance par ma mère, qui n'avait pas hésité à me déposer au seuil d'un orphelinat. Sadjia déglutit. -Et vous y avez été élevée ? -Tout à fait. Elle la fixe dans les yeux et poursuit : -Je n'ai jamais connu la tendresse d'une mère ni la chaleur d'un foyer. Très jeune, j'ai compris qu'il fallait que je m'accroche à quelque chose pour avoir un but dans la vie. Je me suis alors intéressée à mes études. Je n'ai jamais lésiné sur les efforts pour avoir de bons résultats scolaires, alors que mes camarades de classe, qui avaient tout pour réussir, passaient leur temps à badiner. Lorsque je rejoins l'université, je fus atterrée par l'insouciance des étudiantes aisées et libres dans leurs mouvements. Elles avaient une famille et pouvaient se targuer de passer leurs week-ends et leurs vacances avec leurs parents. Moi je n'ai pour lieu qu'une chambre d'internat, sombre et glaciale, dans laquelle je réside toute l'année. Sadjia se reprend pour demander : -Pourquoi n'avez-vous pas demandé l'aide des œuvres sociales ou des associations ? Vous auriez pu adhérer aussi à un club de lecture ou de recherche. Cela vous aurez motivée et… La jeune fille l'interrompt. -J'active dans plusieurs associations. Mais la curiosité des gens me pousse parfois à devenir taciturne ou agressive. Les uns me demandent de quel coin du pays je viens, ou pourquoi on ne voyait jamais un membre de ma famille me rendre visite, ou encore pourquoi je ne quittais jamais la cité universitaire. Les mauvaises langues me traitèrent même de dévergondée, alors que ma conduite est des plus exemplaires. -Et ensuite ? Qu'avez-vous fait ? Elle hausse les épaules. -J'ai tenté de tenir le coup jusqu'à l'obtention de mon diplôme. Plus tard, je pense que je vais changer de ville et entamer une nouvelle vie. Mais… -Mais ? Mais mon passé me colle à la peau. C'est la poisse ! (À SUIVRE) Y. H. [email protected] Vos réactions et vos témoignages sont les bienvenus.