Tout porte à croire qu'un dessein politique se cache derrière l'arrestation du patron du groupe Cevital, et les nombreux internautes, qui l'ont assimilé à une tentative de provoquer la population de Kabylie, n'ont pas tout à fait tort. Annonce de l'arrestation du président de Cevital, Issad Rebrab, par la télévision publique avant même de comparaître devant le procureur de la République par la justice, puis sa mise sous mandat de dépôt sur la base d'un dossier, à première vue, vide. Ces faits qui n'ont rien d'anodin et d'innocent trahissent, à y bien regarder, une volonté délibérée de faire passer le patron du premier groupe privé en Algérie par la case prison pour l'humilier et salir son image, en le classant dans la même catégorie que les frères Kouninef qui, curieusement, ont été entendus le même jour. Question : l'objectif de cette "mise à mort symbolique'', qui ne dit pas son nom, d'un homme respecté en Algérie et à l'étranger, et souvent présenté comme l'un des rares créateurs de richesses dans le pays, est-elle un simple règlement de comptes ou a-t-elle d'autres visées ? Tout porte à croire qu'un dessein politique se cache derrière cette arrestation et les nombreux internautes qui l'ont assimilé à une tentative de provoquer la population de Kabylie n'ont pas tout à fait tort. "L'emprisonnement de Rebrab est une tentative de semer la fitna régionaliste et de diviser le mouvement pacifique", a écrit une internaute. Très estimé en Kabylie pour avoir bâti sa richesse à la force du poignet et créé beaucoup d'emplois partout en Algérie, Issad Rebrab, enfant de la région, est élevé au rang de symbole de la réussite, voire d'icône même. Les ordonnateurs de son incarcération savent pertinemment que celle-ci ne peut être perçue que comme une injustice, voire une agression de plus contre la région. Et ils n'ont pas tort, puisque de nombreux citoyens de Béjaïa, où le groupe Cevital a installé son usine, sont sortis hier dans la rue pour dénoncer l'arrestation de M. Rebrab et exiger sa libération. Aux Ouadhias, à Tizi Ouzou, les travailleurs de l'usine d'eau minérale Lalla Khedidja, comme ceux de Mediterranean Float Glass à l'Arba, dans la wilaya de Blida, ont, eux aussi, battu le pavé pour réclamer l'élargissement de leur patron. Mais pas de violence et d'embrasement d'une Kabylie qui a préféré répondre politiquement et pacifiquement. Très politisés, les habitants de cette région ont vite compris que le but poursuivi par les "artisans'' de l'arrestation d'Issad Rebrab — on se souvient de l'accueil des plus chaleureux réservé par les manifestants à celui-ci lors de la marche du 22 février —est de les entraîner dans la violence, de les pousser dans une attitude de repli régionaliste, mais surtout de diviser le mouvement populaire du 22 février qui, à ce jour, a réussi à rester uni et à donner des sueurs froides aux tenants du pouvoir qui n'arrivent pas à trouver la parade pour sauver un système périmé et contesté publiquement. Ces derniers n'en sont pas à leur première tentative de provoquer une cassure dans l'insurrection en jouant à fond la carte régionaliste et ethnique même, mais qui, fort heureusement, n'a pas beaucoup réussi. Gageons que cette énième manœuvre d'étouffer dans l'œuf un mouvement, qui a forcé l'admiration du monde entier, fera pschitt, cette fois encore.