La paisible capitale du Chenoua a eu droit à un spectacle inhabituel. Pour cause, l'ex-patron de la DGSN ne s'est pas fait discret en arrivant au tribunal de Tipasa. Les manifestants ont failli l'arracher au cordon sécuritaire. L'ex-directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), le général-major Abdelghani Hamel, a comparu, hier, devant le juge d'instruction près le tribunal de Tipasa sur des affaires de corruption, d'activités illégales, de trafic d'influence, de détournement de foncier et de mauvaise utilisation de la fonction. L'instruction, qui a débuté à 10h, a duré deux heures, avant que l'ex-premier flic du pays ne soit relâché. Devant l'absence de communication sur l'issue de cette audience, la spéculation a vite pris le relais sur les suites que la justice devra réserver à l'instruction au mis en cause. Dès 10h30, les premières rumeurs gagnent la capitale du Chenoua sur la possibilité de l'incarcération du prévenu, dont on ignore, par ailleurs, s'il a été auditionné avec son fils ou séparément. Car, jusqu'à midi, quand M. Hamel a été relaxé. Cette première audience doit se poursuivre dans les prochains jours. On ignorait encore si son fils s'était présenté ou pas chez le juge d'instruction. Selon des témoignages recueillis sur les lieux, le fils de M. Hamel s'est rendu à Tipasa à bord d'un véhicule qui aurait stationné dans une ruelle attenante au tribunal. Venu du Chenoua, le mis en cause serait arrivé au tribunal en même temps que son père. Là aussi, le manque de communication a laissé place à toutes les spéculations sur la présence ou l'absence du deuxième mis en cause. Cela étant dit, dès la matinée, une marée humaine a encerclé le tribunal de Tipasa pour réclamer justice et dénoncer la corruption et le système. Des jeunes, des moins jeunes et des vieux, issus des wilayas de Tipasa et d'Alger, sont venus pour "accueillir" l'un des symboles du système du président déchu Bouteflika. Tout autour de cet édifice, un impressionnant dispositif de la police a été déployé pour sécuriser les lieux et l'arrivée des deux mis en cause. Et la paisible capitale du Chenoua a eu droit à un spectacle inhabituel. Pour cause, l'ex-patron de la DGSN ne s'est pas fait discret en arrivant à Tipasa. Venu de son propre chef pour répondre aux griefs retenus à l'encontre de sa personne, M. Hamel a été escorté par quatre véhicules de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI). Dans sa voiture noire, le général à la retraite a eu droit à un "comité d'accueil" révolté. "Klitou leblad ya serrakine", "Djiboulna Saïd" (Bouteflika, ndlr) ou encore "Djibouh l'El-Harrach", les manifestants n'ont pas cessé de scander des slogans hostiles au pouvoir, alors que d'autres se sont regroupés pour attendre que M. Hamel descende de sa voiture. Alors que son chauffeur allait se garer en face du tribunal, la foule s'est précipitée sur son véhicule et a tenté d'ouvrir les portières. La tension est montée d'un cran lorsque son chauffeur a voulu prendre la fuite devant la foule en furie. N'était l'intervention des éléments de la BRI et de l'escadron d'intervention, les choses auraient pu tourner au vinaigre. C'est alors qu'un cordon sécuritaire a été formé à la hâte pour arracher le véhicule des mains des manifestants pour, finalement, l'escorter vers la cour du tribunal. Vers 10h45, un commis de l'Etat, à bord d'une Passat noire, escorté par des motards, a failli être lynché au moment où il traversait le boulevard où des dizaines d'autres manifestants se joignaient au rassemblement. Là aussi, la BRI et l'escadron ont dû intervenir pour frayer un chemin à la délégation qui a échappé aux manifestants. Le suspense a duré jusqu'à midi lorsque le véhicule de M. Hamel a quitté le tribunal sous une haute protection policière. Surexcités, les manifestants couraient derrière la voiture, mais les éléments de la BRI ont réussi à sécuriser la sortie du prévenu. Après une marche improvisée, les manifestants sont revenus à la charge et ont organisé un sit-in devant le tribunal pour exiger que justice soit faite. Farid Belgacem