Pour renforcer cette union, les manifestants exhibent l'emblème amazigh et le drapeau national. La réponse du peuple aux tenants du pouvoir est, une fois de plus, cinglante : "Nous n'allons jamais abdiquer avant que vous ne partiez tous !" Tel est, en effet, le slogan phare scandé, hier, à l'occasion du 11e vendredi de la révolution pacifique, par les milliers d'Algériens ayant investi la capitale. La première cible des manifestants n'est autre, cette fois-ci, que le chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah. Il est accusé d'être le "chef de la bande" qui s'agrippe au pouvoir, au nom de la Constitution, plus d'un mois après la démission du président Bouteflika. Son frère cadet, Saïd, est l'autre "ennemi" du peuple. "On ne veut ni de Saïd ni de Gaïd", "Allah Allah ya baba, al-Gaïd raïs el îssaba" (Gaïd est le chef de la bande), ou encore "Gaïd Salah dégage !" sont autant de slogans hostiles aux deux personnages, scandés à tue-tête par la foule qui a déferlé dans les rues d'Alger. De la place du 1er-Mai au boulevard Amirouche en passant par la longue rue Hassiba-Ben Bouali, et du haut de la rue Didouche-Mourad à la Grande-Poste, il n'existe quasiment pas d'espace vide de monde. La manifestation, qui a débuté dès les premières heures de la journée, a atteint son apogée après la fin, à 14h, de la prière du vendredi. Les interminables marées humaines se poursuivront dans le calme jusqu'en fin de journée. La stratégie d'empêcher, en amont, les marches à Alger adoptée par le pouvoir ordonnant le contrôle des axes routiers menant vers la capitale s'est avérée, une fois de plus, inopérante pour dissuader les citoyens. Aussi l'expriment-ils à travers d'innombrables slogans scandés ou transcrits sur des banderoles et autres pancartes aux illustrations aussi parlantes. Les portraits caricaturaux de Gaïd Salah et de Saïd Bouteflika sont les plus fréquents. La série des discours du chef d'état-major ne semble guère échapper à "l'analyse" du peuple, qui y voit plutôt une manœuvre visant à détourner la révolution, que de lui restituer le pouvoir confisqué depuis l'indépendance. "Nous avons dit que vous partirez tous, cela veut dire tous. Donc, toi aussi, Gaïd Salah", ont martelé les manifestants. Les citoyens s'opposent, de fait, à la solution constitutionnelle préconisée par le chef d'état-major. "Notre mouvement est pour la justice et la liberté. Quant à la question identitaire, celle-ci a été tranchée depuis la déclaration du 1er Novembre : un seul peuple, un seul drapeau, une seule revendication", telle a été la réplique des citoyens portée sur une large banderole accrochée au fronton de la Grande-Poste. Le refrain "Khawa, khawa" (Nous sommes frères) est l'autre réponse à la même manœuvre. Pour renforcer cette union, les manifestants exhibent l'emblème amazigh aux côtés du drapeau national. Ils chantent aussi dans les deux langues nationales : tamazight et arabe. Pour mieux déjouer les plans du pouvoir, les manifestants ont improvisé des "agoras" à plusieurs endroits pour sensibiliser davantage sur la révolution pacifique du peuple. Aux tenants du pouvoir qui miseraient sur l'essoufflement du mouvement durant le mois de Ramadhan, les citoyens s'engagent à maintenir, voire intensifier, la mobilisation durant cette période. "Le Ramadhan est arrivé et nous allons manifester quotidiennement." Les tenants du pouvoir sont avertis. Farid Abdeladim