Lors de sa projection au 72e Festival de Cannes dans la section "Un certain regard", Papicha a eu droit à une standing ovation émouvante. Rencontrée sur place, Mounia Meddour revient dans cet entretien sur ses impressions suite à la présentation de son premier long-métrage, sur le contenu et l'esthétique de cette œuvre ainsi que sa relation avec son père auquel a été dédié ce film. Liberté : Le projet du film a commencé d'une manière modeste pour aboutir à une fin en apothéose. J'imagine que quelques doutes vous ont habitée pendant et après la sélection. À Cannes, vous avez eu droit à une standing ovation. Quelles sont vos impressions ? Mounia Meddour : C'est extraordinaire d'être déjà sélectionné surtout que le montage financier du film n'a pas été une chose facile. Avec ce projet, j'ai appris à ne jamais lâcher. Il faut se montrer fidèle à ses convictions et avoir toujours foi en soi. Cette sélection nous a sorti de nos doutes. La standing ovation est très émouvante. On ne l'attendait pas. Mes comédiennes et moi étions en larmes. Nous avions livré un film que j'ai porté pendant 6 ans. Comme je suis assez pragmatique, je prends cela comme un encouragement à travailler plus. Vous avez opéré des choix formels et esthétiques comme l'effacement du plan large au profit des serrés, de la forte présence de la bande-son et un montage rapide. Vous avez pris le risque de perturber le spectateur. Qu'est-ce qui a présidé à ce choix ? Evidemment, quand on fait un film, on a un point de vue. Le mien a été très précis dès le début. Je voulais quelque chose d'organique sur la pulsion de vie. Donc je voulais créer à l'écran une sensation d'étouffement, d'oppression et aussi d'urgence. Les filles vivent dans un milieu fermé et hostile. Le plan rapproché est la meilleure option pour traduire cette émotion. Je voulais aussi faire un film du point de vue de Nedjma et ne jamais la quitter. Le spectateur épouse toutes ces émotions, réflexions et actes. Je voulais quelque chose de vivant et de dynamique. Ce montage où les séquences sont coupées d'une manière brutale et dynamique restitue cette urgence et incertitude de la vie dans un contexte d'extrême violence. Vous avez aligné plusieurs clichés concernant l'Algérie : le haïk, le hammam et notamment l'homme violent. Comment expliquez-vous ce choix ? Je ne me suis pas posé la question au moment de l'écriture, puisque l'histoire est inspirée de faits réels. Les personnages que j'ai mis en scène sont représentatifs des personnes que j'ai connues. Pour l'image négative des hommes, c'est vrai que dans le film, il y a beaucoup de personnages masculins négatifs. Mais je pense avoir montré aussi des hommes qui sont positifs. C'est le cas de celui joué par Khaled Benaïssa qui sauve Nedjma des griffes de Mokhtar. Et le film a été dédié à un homme, votre père Azzedine Meddour… Pour moi, c'est ma façon de montrer que mon père m'a été d'un soutien indéfectible. Il est à l'origine de ce que je suis : femme instruite, libre et cinéaste. C'est aussi un hommage à un cinéaste qui a célébré la femme dans son film La montagne de Baya. C'est une sorte d'hommage donc à un père et à un cinéaste. Après Baya, il y a Nedjma. Votre film laisse entendre que la menace islamiste a pesé lourdement sur l'Algérie. L'actualité algérienne montre ce que cette dernière fut. Quelle est votre vision là-dessus ? Il est important de préciser que les contextes sont totalement différents. Le film arrive à un moment clé de l'histoire de l'Algérie. Ce qui se passe dans les rues est fantastique. La génération actuelle est mûre et courageuse. Par contre, les traumatismes existent, et il est important d'en parler.