Au-delà de ses aspects inconstitutionnels, le prolongement du mandat d'Abdelkader Bensalah en tant que chef de l'Etat est complètement incongru pour la simple raison que l'homme a déjà échoué dans sa mission fondamentale, soit l'organisation d'un scrutin présidentiel dans un délai de 90 jours à partir de la date de l'activation de l'article 102 de la Constitution par la conférence du Parlement réuni en ses deux Chambres. Le vote du 4 juillet 2019 a été annulé, en grande partie, à cause de lui. Des semaines durant, des millions de manifestants n'ont eu de cesse de désigner Abdelkader Bensalah comme l'un des éléments structurants du système politique, "la bande" dont ils veulent absolument se débarrasser. Bensalah n'a jamais failli, disent d'anciens députés et cadres du RND, à sa fidélité au régime, autour duquel il gravite depuis plus de 40 ans. Il est élu député de 1977 à 1989 sous l'égide du parti unique. Il est nommé, ensuite, ambassadeur d'Algérie en Arabie saoudite jusqu'en 1993. Rappelé au pays, le HCE (Haut Comité de l'Etat) lui confie la tâche de conduire la conférence nationale de dialogue puis de présider le Conseil national de la transition (CNT, un organe légiférant non élu) de 1994 à 1997. À l'issue des premières élections législatives pluralistes du 5 juin 1997, il est élu président de l'Assemblée nationale, à la faveur de la majorité obtenue par la fraude massive au profit de sa formation politique, le RND en l'occurrence. Il dirige d'ailleurs, ce parti, créé dans les officines du pouvoir, pour suppléer le FLN en disgrâce à cette époque-là, de février 1997 à septembre 1998, date à laquelle il a passé le flambeau à Ahmed Ouyahia. En 2002, il gagne un énième siège à l'APN, reprise en main par le FLN. Un mois plus tard, il renonce à son mandat pour pouvoir être désigné sénateur dans le tiers présidentiel. Une nouvelle mission lui est confiée : remplacer Mohamed Cherif Messadia, décédé, au perchoir du Conseil de la nation. Du haut de son statut de deuxième personnage de l'Etat, il met l'institution au service du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, jusqu'à sa démission forcée le 2 avril de l'année en cours. Sans se soucier de l'indépendance du pouvoir législatif du pouvoir exécutif, il a engagé publiquement, deux fois (en septembre 2018 et janvier 2019), le Conseil de la nation dans un soutien franc au 5e mandat. À l'exception de discours de circonstance, écrits en usant de la langue de bois, Abdelkader Bensalah n'intervient pas spontanément dans le débat public, n'accorde pas d'interviews et n'anime pas de conférences de presse, quelle que soit l'actualité. Ceux qui le connaissent le décrivent comme une personnalité ambivalente, disciplinée, timorée, agissant sur instructions. "Il est carré. Il ne refuse pas une mission, même si c'est aux dépens de sa réputation", nous confie-t-on. À 77 ans révolus et se soignant pour un cancer, il n'a pas abandonné ses charges à la présidence du Conseil de la nation, ni refusé l'intérim à la tête de l'Etat malgré l'hostilité de ses compatriotes à son égard.