En propulsant un "opposant", considéré qui plus est comme "islamiste", à la tête de l'institution parlementaire, les décideurs tentent de donner l'impression d'accepter un partage du pouvoir. Après quelques heures d'un faux suspense, les députés de l'ancienne alliance présidentielle ont plébiscité, mercredi en début de soirée, Slimane Chenine comme nouveau président de l'APN. La désignation de ce député issu de "l'opposition islamiste" est intrigante et met mal à l'aise son camp. Quelques heures avant cette désignation, personne ne pariait sur l'apparition, au perchoir de l'APN, de cet homme qui a fait toutes ses classes auprès de Mahfoud Nahnah avant de quitter le défunt Hamas pour fonder El-Bina. Dans les groupes parlementaires de l'ancienne alliance présidentielle, dont les chefs se trouvent soit en prison, soit en attente d'un procès, on misait plutôt sur un candidat du FLN. Le vieux parti unique, en proie à de graves dissensions internes et au rejet populaire, tente de se refaire une virginité en poussant vers la sortie, de manière humiliante, Mouad Bouchareb. Les candidats se bousculaient au portillon. À commencer par l'insatiable Mohamed Djemaï qui, après avoir été bombardé à la tête du FLN, veut réaliser son rêve de devenir président de la Chambre basse du Parlement. Son collègue de la commission des Affaires étrangères Abdelhamid Si Affif, qui voulait déjà se positionner en octobre dernier pour remplacer Saïd Bouhadja, a fait mieux. Il a résisté jusqu'à la dernière minute. Le groupe FLN a failli ne pas participer au "consensus" sur lequel les autres groupes affiliés au système se sont entendus. Le rêve de Mohamed Djemaï s'est vite brisé. Dans la nuit de mardi à mercredi, les députés de "la majorité" ont reçu des appels téléphoniques. Ils devaient voter pour "un candidat de l'opposition". L'homme ne pouvait être issu de la mouvance démocratique qui, de toute façon, ne siège quasiment plus au Parlement. Le choix, sans doute arrêté auparavant, s'est porté sur Slimane Chenine, un député issu d'un des groupes les plus minoritaires au sein de la Chambre basse : le groupe formé par les partis islamistes Nahda, Adala et Bina compte onze parlementaires. Pourquoi alors ce choix ? Si parmi les députés des quatre formations du pouvoir le choix porté sur ce député "issu de l'opposition" est expliqué par le souci de mettre en avant "de nouveaux visages" et de répondre ainsi "aux revendications des Algériens", les calculs du pouvoir sont autres. Après l'échec de l'offre de dialogue, les autorités cherchent ainsi à amadouer l'opposition islamiste pour la convaincre d'aller vers l'élection présidentielle. En contrepartie d'une participation au processus électoral, ces formations politiques bénéficient d'un strapontin ; à défaut de céder le poste de Premier ministre, le pouvoir "offre" l'APN, une institution paralysée depuis le début de l'année en cours. Face au peuple algérien qui ne cède rien, les nouveaux décideurs veulent envoyer un signal. En propulsant un "opposant" — "un islamiste" qui plus est — à la tête de l'institution parlementaire, ils tentent de donner l'impression d'accepter un partage du pouvoir. Inconnu du grand public, l'ancien assistant du défunt Mahfoud Nahnah passe pour "un homme nouveau". Sa promotion a d'ailleurs commencé sur les réseaux sociaux. Autre dividende souhaité derrière cette désignation : le pouvoir cherche à crédibiliser les futures révisions des lois inhérentes à l'organisation d'une élection présidentielle projetée dans les mois à venir. Il s'agit notamment de la loi électorale qui sera adaptée à la nouvelle donne politique. Mais y réussira-t-il, sachant que Slimane Chenine gardera pour toujours l'image d'un président de l'Assemblée qui aura été propulsé à ce poste grâce au coup de pouce des partis du pouvoir ? Surtout que l'impact de ces changements de façade est quasiment nul sur l'opinion des Algériens. Cela fait longtemps, en effet, que l'APN ne fait pas partie de leurs centres d'intérêt. Ce n'est pas aujourd'hui que cela risquerait de changer.