Pour la première fois dans son histoire, l'Assemblée populaire nationale (APN) va être présidée par un «islamiste», Slimane Chenine, élu hier mercredi, par consensus de plusieurs partis dont ceux de la majorité parlementaire. Le chef du groupe parlementaire d'Ennahda - Al Adala - El Bina a été élu nouveau président de l'APN après le retrait du candidat du RND, Lakhdar Sidi Athmane au profit de Chenine, ainsi que celui du FLN, Mohamed Djemai. Selon le chef du groupe parlementaire du MPA, « il y a eu un consensus au sein des principaux groupes parlementaires pour désigner Slimane Chenine » nouveau président de la seconde Chambre du Parlement. Les représentants du RND, du MPA, du Front El Moustakbel ainsi que la coalition Ennahda-Al Adala-El Bina', et TAJ ont voté pour Slimane Chenine, premier député du camp « islamiste» à être désigné par la majorité parlementaire au perchoir. Le retrait des candidats du FLN et du RND et le soutien de ces deux partis, avec ceux de la majorité parlementaire est, sans doute, une grande première dans les annales des élections, au sein de la Chambre basse du Parlement. D'autant que le nouveau président du perchoir est issu des milieux islamistes modérés, et était un ancien disciple de Cheikh Nahnah. Le nouveau troisième homme fort de l'Etat, qui représente les partis dits « islamistes » au Parlement et sur le front politique, a été, par ailleurs, élu au cours d'une séance calme et qui s'est déroulée dans un climat apaisé, après les violentes ruades contre le président sortant, Mouad Bouchareb, poussé à la porte de sortie par sa propre formation politique. Membre du parti El Bina' dirigé par Abdelkader Bengrina, le nouveau président de l'APN aura du pain sur la planche, et devra très vite dissiper les appréhensions quant à sa capacité à diriger une institution où souvent les voix discordantes et les jeux de coulisses rendent la tâche difficile et l'adoption des lois compliquée. Résultat d'une sorte de vote par procuration contre les partis de la majorité, éclaboussés par les scandales financiers touchant plusieurs ministres et les deux ex-Premiers ministres, la désignation au perchoir d'un candidat islamiste prend des contours politiques inédits au sein de la troisième institution politique nationale. Pour ce vote devant désigner le nouveau président de l'APN, sept candidats étaient en lice: Athmane Lakhdar (RND), Hilali Mohamed (les indépendants), Haouari Benaoula du Wifak et Nourdine Belmedah (ANR). L'APN change ainsi, par deux fois, de président en huit mois, après le putsch orchestré par les partisans de Mouad Bouchareb, alors chef du groupe parlementaire du FLN, contre Said Bouhadja. C'était au mois d'octobre dernier, lorsqu'une sédition avait éclaté au sein du Parlement pour évincer son président, et la désignation, vivement dénoncée par l'opposition, de Bouchareb. Dans le même temps, celui-ci avait également pris la direction du FLN après le renvoi par la présidence de Djamel Ould Abbes. La boucle pour la préparation du 5ème mandat pour Bouteflika allait être bouclée, n'étaient-ce les manifestations de dénonciations du «mandat de trop». A partir du mois d'avril et la chute du Président Bouteflika, les jours de Mouad Bouchareb, à la tête du FLN et de l'APN étaient dès lors comptés. Fatalement, ce sera Mohamed Djemai, qui ne fait pas l'unanimité au sein du parti, qui sera élu le 30 avril dernier, nouveau secrétaire général du FLN, évinçant du coup Mouad Bouchareb. La semaine dernière, comme pour sonner le tocsin pour un homme qui a destitué illégalement le président élu de l'APN, Said Bouhadja, les parlementaires du FLN ont appelé Bouchareb à la démission, et ont bloqué les travaux d'une commission parlementaire. Hier mercredi, en dépit des récriminations de Said Bouhadja, qui revendiquait «son poste», les chefs de groupes parlementaires ont, définitivement, enterré les appétits politiques de Mouad Bouchareb, ouvrant la voie du perchoir au candidat du groupe Ennahda-Al Adala-El Bina', et à la tendance parlementaire islamiste. Les travaux de l'APN doivent reprendre en septembre pour la session parlementaire d'automne, avec la rentrée sociale.