Invité à animer une rencontre à la librairie Media Book (Alger), le spécialiste du tourisme en Algérie est revenu sur les failles de ce secteur qui doit sa survie au grand Sud. L'architecte urbaniste Fernand Pouillon (1912-1986) déclarait : "J'ai construit autant pour une ville de cent mille habitants. Plus de deux millions de mètres carrés bâtis qui constituent une production énorme, réalisée en grande partie en Algérie, entre 1953 et 1984 ; et pourtant cette œuvre paradigmatique reste encore peu ou mal connue." Etaient-ce là les signes avant-coureurs d'une déliquescence annoncée par feu Fernand Pouillon ? "Cela en a tout l'air ! Depuis que l'option dite tourisme ‘populaire' ou ‘de masse' a été adoptée au détriment de la fructueuse formule dite tourisme international au début des années 1980", a déclaré l'auteur Saïd Boukhelifa lors de la rencontre plus "bilan" que littéraire qu'il a animée dernièrement à la librairie Media Book de l'Enag. Alors, absente depuis sur les dépliants des tour opérateurs et ignorée des excursionnistes, "l'Algérie n'a dû son salut et sa survie touristique que grâce à la destination du Grand Sud (Tamanrasset), la capitale du Hoggar, son nid d'aigle perché en haut de l'ermitage de l'Assekrem et son album de 15 000 gravures de l'art rupestre", a ajouté le guide caravanier Hamdaoui. Seulement, au diagnostic de l'abandon de nos infrastructures touristiques par les pouvoirs publics s'est ajoutée une gestion à l'emporte-pièce qui a engendré la désertification de nos stations balnéaires. Mais comment est-on arrivé à se suffire de ces complexes touristiques qui ne font plus recette ? Soit autant de questions formulées dans le livre à caractère d'un audit et intitulé Mémoires touristiques algériennes 1962-2018. "Sous d'autres cieux, l'apport du tourisme est une planche de salut pour thésauriser l'essor social, alors que chez nous, la relance d'une activité aux contours d'un avoir à fructifier est évacuée d'un revers de la main", n'a eu de cesse de conseiller le conférencier au quatuor de ministres du Tourisme qu'il a vu défiler. "Et dire que l'Algérie avait plus d'un atout pour la réussite d'un challenge à portée de nos compétences, dont le triptyque hôtellerie-formation-représentation de l'Onat à l'étranger, et ce, grâce aux instituts nationaux de l'hôtellerie et du tourisme de Tizi Ouzou et de Bou-Sâada spécialisés dans la formation des techniciens supérieurs dans les métiers de la cuisine et de la restauration. Mais au lieu de ça, les pouvoirs publics se sont prononcés pour le sous-usage culturel du tourisme", a précisé cet ancien cadre de l'Onat (Office national algérien du tourisme) et issu de l'Ecole supérieure du tourisme d'Alger. Et à l'orée de la belle saison, les directions du tourisme des wilayas n'ont pas de sites internet devant faire l'apologie de leurs sites et monuments. Est-ce à dire qu'il est utopique que le tourisme local prospère à l'ombre du parasol posé sur la presqu'île de Sidi Fredj ? Peut-être bien que oui ! "Notamment à l'heure où d'éblouissantes destinations de nos voisins maghrébins se livrent une bataille par dépliants interposés afin qu'elles soient à l'accueil d'un flux de touristes locaux sans cesse croissant." Et puis, a-t-on l'argument de vente nécessaire pour enchaîner l'autochtone sur son transat qu'il paie cher à la plage Palm Beach à 800 DA ou 1000 DA sur le rivage d'Azur Plage sur la côte ouest d'Alger ? "Oh que non ! Puisqu'à court d'arguments de confort et de loisirs, l'autochtone préfère plier parasol et sac à dos vers d'avoisinants lieux supposés ‘select', à l'instar de villages de rêves aux alentours de la Méditerranée", a conclu l'orateur. Toutefois, cet enfant de l'antique Césarée (Cherchell) ne désespère pas d'insuffler l'air de vie à l'aide de son ouvrage qui narre ce que l'Algérie a de beau en matière de sites et monuments dignes de durer dans le temps.
Louhal Nourreddine Mémoires touristiques algériennes (1962-2018) de Saïd Boukhelifa, 639 pages – 1650 DA.