Cette option préconisée par un ministre intérimaire commence à faire déjà polémique tant elle ne répond pas fondamentalement à un souci d'efficacité de l'enseignement mais, soupçonne-t-on, à d'autres considérations. Le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique se prépare sérieusement à introduire l'anglais à l'université algérienne, en se basant sur un "sondage" selon lequel les étudiants algériens préféreraient la langue de Shakespeare en tant que langue d'enseignement. Dans ce cadre, le ministre intérimaire du département, Tayeb Bouzid, a donné un avant-goût en instruisant les chefs d'établissement d'enseignement supérieur d'utiliser les deux langues, l'arabe et l'anglais, en entête de tous les courriers administratifs et officiels. Le communiqué, daté du 21 juillet, insère cette orientation "dans le cadre de la politique d'encouragement et de renforcement de la langue anglaise", en la justifiant par "une meilleure visibilité des activités scientifiques et pédagogiques du secteur". Si tel est réellement la raison invoquée pour cet "enrichissement linguistique", comme on le présente officiellement, il est à rappeler que cette option n'est pas nouvelle. Les responsables successifs du secteur pensent que le mauvais classement mondial des universités algériennes, dont la première occupe la 1 000e place, est dû, justement, à ce manque de visibilité des résultats des recherches faute de figurer dans les magazines scientifiques mondiaux dont le célèbre Nature. Mais au-delà de ce critère, il est utile de rappeler que la "substitution" du français continue toujours de diviser la communauté universitaire et la société en général. Pour les soutiens, l'option pour une deuxième langue peut aisément s'expliquer par le déclin de la langue de Molière au niveau mondial, désormais circonscrite à la France, à une partie du Canada et à quelques pays africains, anciennes colonies françaises. En revanche, la langue de Shakespeare s'impose mondialement comme celle des sciences. En Algérie, le département de l'Enseignement supérieur a-t-il les moyens de sa politique ? La question se pose avec acuité, surtout, lorsque l'on sait que l'enseignement du français pose problème, déjà, en ce sens qu'il est à l'origine du redoublement de quelque 60% des étudiants en première année, qui, une fois arrivés à l'université, ont du mal à suivre les cours qui se font exclusivement en français. Pour l'anglais, c'est encore une autre paire de manches parce que la maîtrise d'un jargon spécifique est primordiale pour les matières scientifiques. Un bagage linguistique qui n'est pas dispensé dans l'école algérienne. Ce qui est loin donc d'être une sinécure. D'où le problème d'encadrement. Selon un linguiste que nous avons contacté hier, divers facteurs plaident en faveur de l'encouragement d'une deuxième langue étrangère, à commencer par le fait que l'anglais est enseigné dès la première année moyenne, les élèves sont donc munis d'un bagage linguistique assez important, en sus de l'encouragement des parents, dès leur plus bas âge. Pour la question de sa maîtrise, notre interlocuteur, qui est également enseignant, a révélé qu'il sera mis en œuvre ce qu'il appelle "english for specific purpose" (l'anglais pour besoins spécifiques) qui est très facile, ne nécessitant que 400 mots pour communiquer en langue anglaise, contrairement à la langue française. Cependant, la langue anglaise à l'université n'est pas pour demain, parce qu'il revient à la communauté universitaire, ainsi qu'aux parents d'élèves de décider d'adopter la langue anglaise, a nuancé notre interlocuteur. Devant un tel décor, il est à se demander alors quel objectif se cacherait derrière ce genre d'annonces, que d'aucuns jugent qu'il n'est pas loin d'être purement politique et lié à des considérations géostratégiques ?