Les Algériens s'apprêtent, de nouveau, à descendre demain dans la rue pour réclamer ce qu'ils n'ont cessé de crier depuis février, sans écho pour l'heure : "Le changement radical du système." Et comme pour tous les vendredis précédents, plusieurs pages reprenant des slogans des marches ont été créées sur les réseaux sociaux appelant à la mobilisation et à la poursuite de la lutte, d'autant que deux des principales revendications, répétées ces dernières semaines, n'ont toujours pas connu de suite : le départ des deux "B", en l'occurrence le chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah, et le Premier ministre, Noureddine Bedoui, ainsi que la libération des "détenus politiques et d'opinion". "23e vendredi, pas de dialogue ni de conférence avant le départ du système", "Pas d'élection avant le départ du système", "Oui pour un conseil pour une négociation directe avec le pouvoir de fait", "La révolution se poursuit jusqu'à ce que le régime se plie à la volonté du peuple", "Aucune voix au-dessus de celle du peuple", proclame l'une des pages. "Dawla madania, machi aâskaria" (Etat civil et non militaire), proclame une autre, ou encore "Stop à la justice aux ordres", "Stop à la police aux ordres", "Stop aux médias aux ordres" et "Libération immédiate des détenus d'opinion". S'il est toujours difficile d'anticiper sur le degré de participation, pour des raisons liées notamment au départ en vacances pour beaucoup de familles, il reste que la manifestation s'annonce prometteuse pour au moins deux raisons essentielles : la première est que nombre d'Algériens, si l'on se fie aux multiples commentaires sur les réseaux sociaux, sont définitivement acquis à l'idée que le pouvoir veut absolument faire passer "sa feuille de route", comme en témoigne son refus obstiné à donner suite à la revendication relative à la libération des détenus politiques et d'opinion, ou encore les sorties successives de ses représentants appelant au dialogue pour l'organisation de l'élection présidentielle, dont la dernière en date est celle du secrétaire général de la Présidence détaillant l'offre politique du pouvoir, mais sans céder sur l'essentiel. Signe de la méfiance : le slogan de nouveau scandé par les étudiants mardi dernier : "Pas de dialogue avec el-îssaba" (gang, ndlr) et "On veut un dialogue avec les compétences". La seconde est, sans aucun doute, celle qui va galvaniser davantage la mobilisation : l'euphorie provoquée par le sacre continental de l'équipe nationale. Alors que le pouvoir espérait quelques dividendes, en s'impliquant à travers l'affrètement d'avions pour les supporters et des égards aux joueurs et au staff technique, la victoire s'est plutôt révélée comme un catalyseur, comme on a pu le voir lors des scènes de liesse qui ont accompagné le triomphe. Non seulement les jeunes ont pour la plupart entonné "Et viva l'Algérie ! Yetnahaw gaâ", mais ont également recommandé au pouvoir de prendre exemple sur Belmadi et son équipe auxquels ils ont rendu un vibrant hommage après leurs propos sur la "révolution populaire". Avec le trait d'esprit qui les caractérise, de nombreux internautes n'ont pas manqué de "réclamer" Belmadi pour conduire le dialogue ou encore de présenter les joueurs et le staff comme incarnant le profil des personnes appelées à mener le dialogue. Et si on y ajoute la détermination, jamais démentie jusque-là, autant dire qu'un autre chapitre de l'histoire de la révolte en cours sera écrit demain.