Dans son discours du 3 juillet, Bensalah a fixé clairement le cap pour le dialogue politique prôné par le pouvoir, à savoir la préparation de l'élection présidentielle. Décrié et rejeté par le mouvement citoyen, le panel dirigé par Karim Younès fait dans la résistance… et l'intéressement. Dans un entretien accordé hier à Liberté, Karim Younès, coordinateur de ce panel, a soutenu qu'"abandonner la mission n'est pas responsable". Comprendre : aucune "embûche" ne pourrait détourner les membres du panel de la mission qu'ils se sont fixée, sauf peut-être le non-respect de l'engagement des autorités à satisfaire les préalables posés au chef de l'Etat par intérim, Abdelkader Bensalah. Trois personnalités (Djamila Bouhired, Taleb Ibrahimi et Mouloud Hamrouche) ont décliné l'invitation à rejoindre le panel, et quatre autres "militants" du hirak (Nacer Djabi, Saïd Salhi, Lyès Merabet et Islam Benattia) ont quitté, en cours de route, le navire brinquebalant. Un autre appel a été lancé, dimanche 28 juillet, par Karim Younès et ses amis à 23 autres personnalités les invitant à les rejoindre pour renforcer leurs rangs. Des figures bien connues (Djamila Bouhired, Drifa Ben M'hidi, Mouloud Hamrouche, Mokrane Aït Larbi, etc.) y ont d'ores et déjà opposé leur niet, mais cela n'empêchera certainement pas l'équipe menée par Karim Younès d'"aller de l'avant" et de multiplier les "opérations de charme" pour rallier à sa cause de nouvelles "recrues". Pour preuve, le panel n'a pas hésité, dans le communiqué sanctionnant sa réunion de dimanche, à faire part de sa disponibilité à recueillir toutes les propositions de sortie de crise. "Le principal objectif des travaux de la Commission est de consulter, de communiquer et de dialoguer avec les acteurs de la société civile, les partis politiques, les personnalités nationales, des jeunes et des militants de différentes wilayas du pays afin de développer une vision précise pour une sortie de la crise actuelle", est-il écrit dans le communiqué. Et d'ajouter : "Après les cycles de dialogue, la commission rédigera les propositions qui lui seront soumises et pourra procéder à toute médiation afin de concilier les propositions qui lui ont été faites, en cas de contradictions potentielles entre elles". Les propositions finales seront étudiées à l'occasion d'une "conférence nationale souveraine dans ses décisions" et qui, la précision est de taille, "engageront l'ensemble des autorités". Autrement dit, le champ de compétence de cette commission nationale pour le dialogue et la médiation ne se limite pas à une discussion autour des modalités d'organisation de l'élection présidentielle, et les parties qui prendraient part à ces conciliabules auront toute latitude de soumettre leurs visions sur la sortie de crise et seront soumises à débat. Le hic est que ces larges et nouvelles prérogatives que s'est octroyées le panel de Karim Younès ne sont nullement consignées dans la feuille de route que lui a fixée le chef de l'Etat par intérim, Abdelkader Bensalah. Dans son discours du 3 juillet, celui-ci a lancé un appel aux acteurs politiques, aux personnalités, etc. pour "s'engager dans le processus de dialogue national inclusif que l'Etat entend lancer dès à présent, pour débattre de toutes les préoccupations portant sur la prochaine échéance présidentielle et, partant, apporter leur contribution à l'organisation du scrutin dans un climat d'entente et de sérénité". Dans un entretien publié le 24 juillet par trois journaux privés et l'APS, le secrétaire général de la présidence a, lui aussi, beaucoup insisté sur cet "objectif stratégique national" (l'expression est d'Abdelkader Bensalah) qu'est l'organisation de la présidentielle assignée au dialogue inclusif. "Le dialogue devra donc, nécessairement, se concentrer sur l'objectif stratégique que constitue l'organisation de l'élection (…) Les participants au dialogue auront la liberté de discuter et de débattre des conditions à réunir pour garantir la crédibilité du scrutin et aborder l'ensemble des aspects législatif, réglementaire et organisationnel de cette élection, y compris le déroulement du calendrier électoral, ainsi que les mécanismes de son contrôle et de sa supervision", a-t-il soutenu. Aussi, d'aucuns ne manqueront pas de s'interroger sur les raisons de cette grande liberté prise par le panel par rapport à sa feuille de route. Utilise-t-il ces nouvelles compétences qu'il s'est offertes comme un appât pour intéresser le maximum d'acteurs à un processus de dialogue qui, jusqu'ici, a du mal à prendre ? Fort probablement.