Une crise grave et "invisible"… C'est en ces termes que la Banque mondiale (BM) a tenté, avant-hier, d'attirer l'attention des gouvernements sur les graves dangers que fait peser la mauvaise qualité de l'eau dans diverses régions du monde, non seulement sur la santé des enfants et des adultes, mais aussi sur le développement humain et la croissance économique de nombreux pays, qu'ils soient riches ou pauvres. À travers un rapport alarmant, rendu public mardi à Washington (USA) et publié sur son site internet, la Banque mondiale informe que le monde est aujourd'hui confronté "à une invisible crise de la qualité de l'eau, qui réduit d'un tiers la croissance économique potentielle des zones fortement polluées et menace le bien-être humain et environnemental". Intitulé "Quality Unknown : The Invisible Water Crisis" (Qualité inconnue : l'invisible crise de l'eau), le rapport de la BM, indiquent ses auteurs, découle d'une étude qui s'appuie sur de nouvelles données et méthodes ayant permis de démontrer "comment la conjonction de bactéries, d'eaux usées et de produits chimiques et plastiques peut extirper l'oxygène de l'approvisionnement en eau et transformer l'eau en poison pour les êtres humains et les écosystèmes". Afin d'apporter un éclairage sur la question, est-il précisé à travers un communiqué de presse, "la Banque mondiale a constitué la plus grande banque de données au monde sur la qualité de l'eau à partir de données relevées sur le terrain dans des stations de contrôle, au moyen de techniques de télédétection et selon le processus d'apprentissage automatique". Conclusion : le manque et la mauvaise qualité de l'eau potable réduisent la croissance économique "d'un tiers" et la planète dans son ensemble est tenue désormais, selon les experts de la Banque mondiale, "d'accorder, au plan mondial, national et local, une attention immédiate à ces dangers qui menacent aussi bien les pays développés que les pays en développement". Plus explicite encore, David Malpass, président du Groupe de la Banque mondiale, affirme : "L'eau propre est un facteur essentiel de croissance économique. La détérioration de la qualité de l'eau entrave la croissance économique, aggrave les problèmes sanitaires, réduit la production de denrées alimentaires et exacerbe la pauvreté dans de nombreux pays." Aussi, a-t-il alerté : "Les pouvoirs publics doivent prendre d'urgence des mesures pour lutter contre la pollution de l'eau, de sorte que les pays puissent croître plus rapidement de manière équitable et durable sur le plan environnemental." Dans le détail, les auteurs du rapport de la BM expliquent que lorsque la demande biochimique en oxygène — mesure de la quantité de pollution organique qui se trouve dans l'eau et mesure indirecte de la qualité globale de l'eau — dépasse un certain seuil, "la croissance du PIB des régions situées en aval subit une baisse pouvant atteindre un tiers en raison des répercussions sur la santé, l'agriculture et les écosystèmes". L'azote, insistent-ils encore, "est l'une des principales causes de la mauvaise qualité de l'eau". Répandu sous forme d'engrais sur les terres agricoles, celui-ci, constatent les experts de l'institution de Bretton Woods, "finit sa course dans les rivières, les lacs et les océans où il se transforme en nitrates", qui peuvent causer aux enfants, qui y sont exposés dès leur plus jeune âge, "des problèmes de croissance et de développement cérébral ayant des répercussions sur leur santé et, plus tard, sur leur capacité à gagner leur vie à l'âge adulte". De même, prévient le rapport de la BM, "les rendements agricoles diminuent sous l'effet de l'augmentation de la salinité de l'eau", à telle enseigne que "la quantité de nourriture que l'humanité perd chaque année à cause des eaux salées permettrait de nourrir 170 millions de personnes". Estimant ainsi que la crise de la qualité de l'eau devrait désormais être considérée comme une préoccupation majeure pour la planète tout entière, la Banque mondiale appelle en définitive à y faire face à travers des actions urgentes, telles que le renforcement "des infrastructures de traitement des eaux facilitées par des mesures d'incitation en faveur de l'investissement privé" ; "l'évaluation exacte des charges polluantes", ainsi que la communication d'informations fiables et exactes aux ménages pour favoriser la participation citoyenne.