Selon de nombreux observateurs, le conflit était latent et couvait depuis plusieurs semaines, mais l'une comme l'autre partie s'est gardée de prendre l'opinion à témoin. Un conflit interne, qui couvait depuis plusieurs semaines, vient d'éclater publiquement et secoue les structures du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), un parti épargné jusqu'ici par les vents de la contestation. Depuis avant-hier jeudi, deux ailes s'affrontent au sein de cette formation et portent leurs contradictions et différends sur la place publique. Les accusations sont échangées de manière ouverte. Selon de nombreux observateurs, le conflit était latent et couvait depuis plusieurs semaines, mais l'une comme l'autre partie s'est gardée de prendre l'opinion à témoin. Jusqu'à jeudi dernier, lorsque le président du RCD, Mohcine Belabbas, a publié sur Facebook un document qui lui a été adressé par ses détracteurs, des cadres et militants du RCD. Le document en question est signé par plus d'une quarantaine de militants, dont des élus locaux et nationaux, des membres du conseil national, dont notamment Ameziane Sadi, Massiva Mazari, Samir Belaïd, Lamine Zetarène, Madjid Belkaï, les députés et membres des instances dirigeantes du parti, à l'image de Yacine Aïssiouane, Hamid Aït Saïd, Lila Hadj-Arab. Dans leur lettre adressée au président du parti, ils lui reprochent, entre autres, "la main de fer" avec laquelle il gère le parti. Il est également reproché au président du RCD certaines de ses prises de position qui ne cadrent pas avec les principes fondateurs du parti. "Sur le plan des principes, par discipline et sincérité, nous avons suivi des propositions et appliqué des décisions qui ne nous ont pas toujours plu. Avec le recul, ces décisions auraient donc un sens et un but : liquider le RCD", ont-ils écrit après avoir énuméré certaines déclarations où le président du RCD engage le parti sans l'aval de ses structures. Plusieurs autres griefs liés à l'organique, à la structuration, aux nominations, à l'animation du parti ont été retenus par les rédacteurs du document à l'encontre de Mohcine Belabbas. Il lui est également reproché ses critiques contre l'ancien président du parti, Saïd Sadi, notamment son appel à la désobéissance civile. Les détracteurs de Belabbas ont rappelé à leur président que "sur Al-Magharibia, vous aviez dit que puisque le pouvoir restait sourd, toutes les actions étaient légitimes, même si elles n'étaient pas autorisées. Trois mois plus tard, et sans consulter personne, vous polémiquez gratuitement à travers un long communiqué d'une brutalité inexplicable contre une désobéissance civile pacifique. Cette dernière qualifiée étrangement de dérive gauchisante (...)". En réponse à cette lettre, Mohcine Belabbas l'a diffusée sur sa page Facebook et accuse les rédacteurs du document de vouloir "déstabiliser le RCD" : "Le document que nous rendons public et dont vous pouvez deviner facilement les rédacteurs vise à déstabiliser le RCD en ces temps de révolution pour le compte du pouvoir de fait." Dans sa réplique, le président du RCD explique que "les rédacteurs du document ne l'ont pas encore rendu public. Nous le faisons à leur place pour permettre un débat dans la transparence sur le RCD, son fonctionnement et son histoire. Les militants du RCD et ses dirigeants n'ont jamais refusé le débat". Atmane Mazouz, député et réputé proche du président du RCD, a souligné à Liberté que ce document qui circule sur le Net "s'attaque aux responsables et aux symboles du RCD". Pour le député de Béjaïa, "ce document est anonyme" et que, de ce fait, "une réaction des cadres et militants du parti devient un devoir". Interrogé sur le fait que le même document ait été publié par plusieurs autres cadres et militants connus du Rassemblement avec la liste des signataires, Atmane Mazouz relève que "le document a été expurgé de certaines attaques contre la direction du parti". "Le document que nous avons intercepté a été envoyé aux adversaires du parti", a-t-il accusé, ajoutant que "si certains assument le contenu du document, le RCD n'a jamais refusé de débattre sur toutes les questions dans ses structures, pour peu que la démarche soit conforme aux normes". De leur côté, les détracteurs de la direction actuelle du RCD n'ont pas manqué de répliquer à la diffusion, par le président Belabbas, du document qu'ils estiment "interne". Yacine Aïssiouène, député écarté récemment de l'exécutif du parti, a estimé, dans un message sur Facebook, que le président du RCD a commis une grave dérive en publiant le document, censé être interne. "C'est une dérive grave qui s'ajoute à toutes les autres énumérées dans le document en question", accuse-t-il, ajoutant que "les récents changements opérés au bureau régional de Tizi Ouzou ont même introduit des transfuges du RND et du MPA, afin d'isoler les militants et de corrompre nos structures".