La calantica, dont le nom dérive de caliente, mot espagnol qui signifie chaud, demeure incontestablement le casse-croûte bon marché le plus populaire à Oran, très prisé toutes les saisons durant. Chaque quartier compte au moins un local commercial spécialisé dans cette branche d'activité qui fait toujours recette auprès de très nombreux consommateurs. Des pois chiches moulus, des œufs, mélangés à l'huile et l'eau, constituent les ingrédients de base de ce produit... ancestral, qui se déguste, pour certains, de préférence avec un peu de harissa dans un morceau de pain. La composition ne change pas, mais tous les cuisiniers n'ont pas la même “main”, prévient un habitué de la calantica, qui a décidé de faire découvrir ce mets local à son cousin émigré. Lui et son invité apprécieront la saveur plaisante d'un sandwich à la préparation originale lancée, il y a bien des décennies, par un gargotier, avec l'introduction de fromage fondu lors de la cuisson. D'autres formules innovatrices sont proposées à la consommation dans ces petits restos, telles celles qui consistent à rajouter des abats épicés, communément appelés “osbane”, ou quelques boulettes de viande hachée. L'apparition de la calantica remonte à la période espagnole. “C'est un produit de terroir”, soutient une personnalité culturelle au fait de l'histoire locale. “Pour l'anecdote, relate-t-il, l'idée s'est imposée lorsqu'une importante cargaison de pois chiches, destinée aux soldats espagnols mobilisés pour la conquête d'Oran, fut inondée par les eaux pluviales. Face à la pénurie de vivres qui sévissait à l'époque, un chef militaire avait alors ordonné aux cuisiniers de faire le nécessaire afin que la marchandise soit récupérée pour être consommée par les troupes”. Le marché de la calantica a survécu à toutes les contingences du temps pour connaître, aujourd'hui encore, une prospérité indéfectible, en témoigne la profusion des prestataires de ce service. La pénétration sociale de ce produit est telle que de nombreux marchands ambulants ont investi ce créneau pour s'approvisionner chez le plus ancien fournisseur établi à Sidi Blel, dans le quartier séculaire de Médina Djédida. Ces revendeurs s'installent ensuite dans un endroit “stratégique”, comme à proximité des établissements scolaires où les élèves peuvent, à leur sortie, en savourer un bon morceau, à partir de 5 dinars seulement. Bon marché, la recette est même reprise par les ménagères qui l'imposent, de temps à autre, au menu du repas familial, au grand plaisir d'ailleurs de la maisonnée. En se conformant, bien entendu, à la tradition de le servir bien chaud, conseille-t-on. R. N./APS