Cet été, c'est la normalienne Fatiha Souiki qui fait la une de l'été colliote. Native de la cité préinsulaire un certain 17 février 1950, Fatiha a signé sous le pseudonyme de Nesrine un pamphlet de 143 pages qui raconte la vie de l'écrivain l'année de sa scolarisation. Avènement cultuel diront les uns. Non, répliqueront les autres, notamment les Colliotes qui sont contraints, cette année, de compter sur les doigts d'une seule main les évènements positifs qui marquent l'actuelle saison estivale. C'est pourquoi La baie aux jeunes filles est plus qu'une œuvre littéraire… un phénomène social. Bien que l'évènement n'est raconté qu'une ou deux fois, le lecteur découvre Collo durant les années de la guerre de libération. Un pays pauvre où la guerre a rendu le train de vie encore plus difficile. Il découvre aussi la condition de la femme à travers la mère de Fatiha, son amie de quartier Z'bida, ainsi que Fatima la sœur du fou du village, le célèbre Ahmed El Ghoul. Cloîtrée à l'intérieur des murs de leurs demeures et du quartier du Jarda, les femmes sont les véritables maîtres des lieux. La mère de Fatiha, épaulée par sa grand-mère, ne réussit-elle pas à élever un étage dans la maison à l'insu du père, feu ammi Ahcène, pourtant très actif, ayant été l'un des précurseurs du mouvement scout local ? Fatiha raconte avec précision la fête locale aujourd'hui délaissée qu'est la “zerda” de Sidi Achour à laquelle sa famille, issue de la tribu des Achach, y participe activement. Elle raconte, aussi, “la descente” des femmes vers leur plage, La baie des jeunes filles. À travers cette œuvre, on découvre qu'il s'agit plus que d'une virée vers une plage réservée aux femmes mais de toute une tradition faite de croyances et de rituels scrupuleusement respectés et transmis de génération en génération. Si Ahmed El Ghoul a réellement existé à travers les récits de Ftima, la sœur de ce dernier. l'écrivain fait redécouvrir aux colliotes les anciennes “hjaiate” sur El Ghoul qui auraient vécu à Collo dans l'ancien temps comme celles des “sbaâ djenoun” reconnaissables aux traits de leurs mains et que les anciens semblaient croiser le jour du marché. En fait, à travers l'histoire de Fatiha, c'est une partie de la mémoire collective de la cité qui est racontée. Toutefois, il est difficile de classer l'œuvre. Comme dans La confession dans les collines de Angelo Ronaldi, on retrouve chez Souiki quand elle parle du mur un certain goût pour les phrases complexes. Ces dernières deviennent simples quand elle se mettent à l'art du portait des ses personnages auxquels elle ne fait pas vivre des évènements exceptionnels mais les expose juste au “zoom de son objectif”. Et là, elle est tantôt complaisante quand elle évoque la mère et tantôt sévère quand elle parle de Z'bida. Alors, La baie aux jeunes filles est-elle un livre ou un roman ? Disons un livre intime de Collo des années 1950. Mourad KEZZAR