La mort du président destitué, Mohamed Morsi, en plein procès au Caire, a nourri la colère citoyenne contre le président égyptien qui s'est montré prêt à renforcer sa dictature en usant de la répression et grâce à un Parlement complètement acquis. De nouvelles manifestations demandant au président Abdel-Fattah al-Sissi de démissionner ont eu lieu hier en Egypte, donnant ainsi suite à celles de la veille, durant la nuit au Caire et dans plusieurs autres villes du pays, a-t-on constaté dans les vidéos relayées sur les réseaux sociaux. Malgré la répression de la nuit de vendredi, les Egyptiens ont lancé de nouveaux appels à manifester après la prière d'al-Asr et de converger vers l'emblématique place al-Tahrir, le cœur battant des manifestations de 2011 qui ont chassé l'ancien président Hosni Moubarak du pouvoir. Vendredi soir, des vidéos publiées sur les réseaux sociaux montraient en effet des centaines de personnes rassemblées dans les villes d'Alexandrie, Mahalla et Damiette dans le delta du Nil, ainsi qu'à Suez. La violente répression de la veille et son lot d'arrestations n'a pas découragé les Egyptiens qui ont poursuivi leur campagne de sensibilisation contre la dictature militaire et son leader al-Sissi sur les réseaux sociaux. Si d'apparence, le régime se montre ferme et sûr de lui, la situation semble être très fragile dans les coulisses, où des rumeurs sur un lâchage d'al-Sissi par son entourage se front de plus en plus insistantes. Parallèlement, et selon certaines sources locales au sein de l'opposition, de hauts responsables hauts placés se sont empressés à fuir à l'étranger, craignant d'être arrêtés dans le cas d'un effondrement du régime d'al-Sissi. Des journalistes égyptiens ont même affirmé qu'Abdel-Fattah al-Sissi, parti vendredi assister à la 74e assemblée générale de l'ONU à New York, ne reviendra plus en Egypte, craignant lui aussi d'être arrêté, lui et son épouse notamment. Mais il est difficile de confirmer ces informations. Des ressortissants égyptiens, établis en Allemagne et aux Pays-Bas, ont également manifesté hier devant les représentations diplomatiques égyptiennes, pour dénoncer eux aussi le règne dictatorial de ce nouveau régime. Depuis la destitution du défunt chef d'Etat islamiste Mohamed Morsi, par l'actuel président, les manifestations en Egypte sont devenues rares, en raison de la répression dont sont victimes les militants de l'opposition, toutes tendances confondues, les militants de la société civile et les journalistes indépendants. L'adoption d'une loi liberticide en 2013 a fini par fermer le peu d'espace de liberté qui restait dans ce pays, où le Printemps arabe n'a pas véritablement fermé ses portes à la démocratie au Caire. Malgré une certaine peur, visible chez les Egyptiens, la détermination d'une poignée de militants a fini par drainer ceux qui hésitaient à reprendre la lutte contre la nouvelle dictature incarnée par al-Sissi. Hier, l'ONG Human Rights Watch a exhorté les autorités à "protéger le droit à manifester pacifiquement" et à relâcher les personnes arrêtées, dont des femmes et des personnes âgées. Officiellement, au moins 74 personnes ont été arrêtées vendredi soir, mais le chiffre pourrait être plus élevé. Pour rappel, ces nouvelles manifestations faisaient écho à des appels lancés sur les réseaux sociaux, émanant notamment d'un homme d'affaires égyptien en exil, Mohamed Aly. Depuis l'Espagne, cet entrepreneur de secteur de la construction a publié plusieurs vidéos virales depuis début septembre appelant au renversement de Sissi et des militaires, qu'il accuse de corruption. Lyès Menacer