L'intervention de l'administration dans cette opération remet à la surface le spectre de la fraude. La révision exceptionnelle du fichier électoral est lancée depuis hier et sera clôturée dimanche 6 octobre. L'opération prendra, donc, deux semaines. Selon la loi organique relative au régime électoral adoptée récemment, le fichier national du corps électoral ainsi que sa révision relèvent exclusivement de l'Autorité nationale indépendante des élections. Sauf que la révision, entamée hier, n'est pas réalisée par l'Autorité de Mohamed Charfi. Elle est, encore une fois, menée et contrôlée par l'administration. Une mainmise dénoncée au demeurant par des membres de l'Autorité des élections. C'est le cas notamment de Hafanoui Benamer Ghoul, qui s'est exprimé sur sa page facebook. "L'administration tente de désigner et d'imposer ses éléments dans les commissions électorales", a-t-il dénoncé. "C'est l'administration qui réalise l'opération de révision du fichier électoral", a dénoncé un autre membre de l'Autorité qui a requis l'anonymat. Cette source a attesté que "l'Autorité indépendante des élections n'a pas encore installé ses représentants dans les communes pour effectuer cette révision exceptionnelle du fichier électoral". Ils considèrent que "le fait que c'est l'administration qui reprend cette opération importante dans le processus électoral, c'est une prérogative de l'Autorité qui se trouve remise en cause". Ces dénonciations, venues de l'intérieur même de l'Autorité, ne sont pas pour renforcer l'adhésion au processus électoral, si tant est que l'intervention de l'administration remette à la surface le spectre de la fraude. Une appréhension d'autant plus légitime que c'est toujours sous la houlette d'un Premier ministre contesté que le pouvoir entend organiser le scrutin présidentiel du 12 décembre. D'aucuns ne comprennent pas pourquoi l'administration est à la manœuvre, alors que la loi a transféré la prérogative à l'Autorité de Charfi. En effet, la loi relative au régime électoral prévoit, dans son article 23, d'"accorder à l'Autorité la responsabilité d'élaborer et de réviser les listes électorales périodiquement et à l'occasion de chaque échéance électorale ou référendaire par une commission communale pour la révision des listes électorales placée sous sa supervision". Le fichier électoral qui a toujours été au centre d'une interminable polémique entre la classe politique et le pouvoir, du fait de son importance, reste toujours l'otage d'une administration qui a excellé par le passé dans sa manipulation et sa falsification. L'implication désormais illégale de l'administration dans le processus électoral contredit à la fois le chef de l'Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, le coordinateur du panel de dialogue et de médiation, Karim Younès, ainsi que Mohamed Charfi, président de l'Autorité, qui ont assuré, chacun de son côté, que l'Autorité indépendante des élections "jouit de toutes les prérogatives" pour garantir "la préparation et l'organisation des élections en toute intégrité, transparence et impartialité". Le fichier électoral reste le maillon le plus important du processus électoral, notamment concernant le taux de participation et les résultats du scrutin. Sa gestion monopolistique par l'administration a toujours été critiquée par l'opposition mais aussi par des observateurs étrangers. Les représentants de l'Union européenne ont, lors des législatives de 2017, "préconisé" plus de transparence dans la gestion du fichier électoral. Les irrégularités constatées dans le fichier électoral, que les autorités n'ont jamais remis aux formations politiques, sont légion. Mohamed Mouloudj