Le président de la Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE), Abdelwahab Derbal, sort ses griffes. Pour sa première conférence après l'installation de son instance, il lance un avertissement. Celui-ci s'adresse notamment aux nombreux ministres, notamment ceux du FLN et du RND, qui s'échauffent pour prendre part aux législatives du 4 mai prochain qui pourraient être tentés par l'utilisation des moyens de l'Etat lors de leurs campagnes. «Je prendrai des mesures dans le cadre des prérogatives que me confère la loi à chaque fois que je recevrai des documents et des preuves tangibles sur l'existence de dépassements», a-t-il affirmé lors d'une conférence, animée hier au siège du Sénat, autour du thème «La Haute instance de surveillance des élections entre l'impératif de la transparence et les exigences de la propagation de la culture électorale». Dans ce sens, Abdelwahab Derbal rappelle les dispositions de la loi qui interdit l'utilisation des moyens de l'Etat. «L'interdiction concerne tout le monde, y compris les ministres. Nous avons toujours cette culture qui consiste à considérer que le responsable doit être servi. C'est le contraire qui doit s'appliquer : le responsable est censé servir les citoyens et non pas se servir», soutient-il. Selon lui, la réhabilitation de l'acte électoral passe d'abord par la conscience des responsables qui doivent «mettre l'intérêt suprême du pays au-dessus de leurs parcours professionnels et leurs intérêts personnels». «Jouer avec la transparence des élections serait synonyme de danger pour le pays», avertit-il. Lors de sa longue intervention et ses réponses aux questions des journalistes et de l'assistance, il a insisté sur l'implication des électeurs comme un gage de la transparence des élections. «La surveillance des élections n'incombe pas seulement à l'Instance. C'est un processus général. Le plus important est que les électeurs aillent voter et brisent le mur de la peur», a-t-il précisé. Conscient de l'ampleur de la désaffection populaire qui a caractérisé les scrutins en Algérie durant la dernière décennie, Abdelwahab Derbal invite les intellectuels à contribuer à la sensibilisation des citoyens. Il appelle, dans la foulée, les électeurs à choisir avec beaucoup de conscience leurs représentants. «Il faut une participation consciente de l'électeur. Il faut procéder à un vote utile», a-t-il plaidé. «La HIISE supervisera tout le processus» Après ces premières mises au point, Abdelwahab Derbal a tenté de répondre aux critiques concernant l'indépendance de son instance et sa capacité à mettre un terme aux fraudes électorales. Estimant que la HIISE «est une première dans le monde arabe», il affirme que celle-ci supervisera le processus de la révision du fichier à la proclamation des résultats. Précisant que les réformes politiques «doivent se faire graduellement pour être efficaces», le conférencier déclare que «le fait de constitutionnaliser et de doter la HIISE d'une loi organique est à même de renforcer la transparence de l'opération électorale». L'autonomie financière et les larges prérogatives confiées à l'Instance sont, selon lui, des points positifs permettant de redonner de la légitimité aux élections. Abdelwahab Derbal revient, dans ce contexte, sur l'ensemble des prérogatives de son Instance couvrant toutes les étapes de l'opération électorale. Le rôle principal de la HIISE, souligne-t-il, consiste à assurer la «neutralité des agents chargés de ces opérations électorales et la non-utilisation des biens et des moyens de l'Etat au profit d'un parti politique, d'un candidat ou d'une liste de candidats». Interrogé sur la question de l'assainissement du fichier électoral qui continue de susciter les polémiques, Abdelwahab Derbal s'est montré évasif : «Il y a des régions du pays où on n'inscrit même pas les élèves à l'école et les morts ne sont pas radiés des listes électorales. C'est une question de culture. Espérons que cela changera avec la numérisation du fichier de l'état civil.»