"Ils auraient dû, au pire, être renvoyés devant une juridiction civile", a insisté le collectif de défense. Le général-major et ancien chef des renseignements Mohamed Mediène dit Toufik, la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, et Saïd Bouteflika, frère et conseiller du président de la République déchu, ont comparu hier devant le tribunal militaire de Blida. L'audience a été entamée par l'écoute des réserves de forme et requêtes de la défense. L'ensemble des avocats ont récusé la compétence de la juridiction militaire à juger leurs mandants. "Même Toufik et Tartag, par leur qualité de hauts gradés de l'armée à la retraite, sont considérés comme des civils. Ils auraient dû, au pire, être renvoyés devant une juridiction civile", a insisté le collectif de défense. Les avocats du général Toufik ont aussi réclamé un report en raison de son état de santé qui ne lui permet pas, argumentent-ils, de répondre "aux questions du juge". Le général Toufik est apparu très affaibli et avait du mal à se tenir debout, nous a confirmé notre source. Joint par téléphone durant la pause observée par le tribunal militaire pour délibérer sur les requêtes de la défense, Me Boudjemâa Ghechir nous a précisé qu'il a expliqué au magistrat que le jour de sa rencontre avec Saïd Bouteflika et le général Toufik, Louisa Hanoune était encore députée et donc protégée par l'article 126 de la Constitution consacrant l'immunité parlementaire. "Cela, en plus du fait qu'en tant que chef d'un parti de l'opposition, elle est dans son rôle de tenter de changer le régime", étaye-t-il. Habba El-Okbi, ex-secrétaire général de la présidence de la République, Mohamed Rougab, ancien secrétaire particulier de Bouteflika, et l'ex-président du Conseil constitutionnel et ministre de la Justice Tayeb Belaïz, convoqués en tant que témoins, ont été aperçus franchissant le portail de l'enceinte judiciaire sous haute surveillance et dont les alentours ont été interdits à la circulation. Seuls deux cadres du PT, en l'occurrence Djelloul Djoudi et Ramdane Youssef Tazibt, ont pu avoir accès au parking du tribunal guettant la moindre nouvelle. Après la lecture de l'arrêt de renvoi, les avocats ont réclamé une suspension d'audience pour leur permettre de se concerter avec leurs clients. "D'après les informations que nous avons jusqu'à présent (17h20), le collectif de défense a décelé une volonté de poursuivre le procès même si les conditions ne sont pas réunies", a confié à Liberté Ramdane Youcef Tazibt. À 18h30, rien n'avait encore filtré sur l'issue du conclave. Selon l'arrêt de renvoi, deux réunions ont eu lieu le 27 mars dernier. La première, dans la matinée, entre le général Toufik et Saïd Bouteflika, durant laquelle ils ont évoqué les noms des éventuels successeurs d'Abdelaziz Bouteflika dont les deux ex-Premiers ministres Ali Benflis et Ahmed Benbitour, ainsi que l'ancien ministre de la Santé Abdehamid Aberkane, et abordé la question de confier la période de transition à Liamine Zeroual en tant que Premier ministre aves des prérogatives de président. Cette rencontre a été suivie d'une autre, l'après-midi, à laquelle a participé Louisa Hanoune. C'est à ce moment-là que la secrétaire générale du PT a été informée de ces décisions pour avis. Saïd Bouteflika et les deux anciens chefs des renseignements ont été incarcérés le 5 mai, tandis que la secrétaire générale du PT a été placée en détention provisoire quatre jours plus tard. Premier haut responsable à être entendu en qualité de témoin dans le cadre de l'instruction visant Saïd Bouteflika, le général Khaled Nezzar avait soutenu que ce dernier envisageait d'instaurer l'état de siège et de démettre le chef d'état-major de l'ANP et vice-ministre de la Défense, Gaïd Salah. Quelques semaines plus tard, Khaled Nezzar et son fils Lotfi, ainsi que le gérant de la Société algérienne de pharmacie, Farid Benhamdine, sont inculpés. Lotfi Nezzar pour avoir notamment conduit son père à cette rencontre, tandis qu'il est reproché à Farid Benhamdine d'avoir mis sa maison à la disposition de Saïd Bouteflika et de Nezzar pour leur entrevue et de servir d'intermédiaire entre eux. Un mandat d'arrêt international a été lancé le 6 août dernier contre eux par le tribunal militaire de Blida. Tous les accusés concernés par cette affaire doivent répondre des mêmes chefs d'inculpation, à savoir "complot dans le but de porter atteinte au commandement de l'armée", puni par l'article 284 du code de justice militaire de 5 à 10 ans de prison, et "complot pour changer le régime", passible de la peine capitale.