Espoir brisé pour les 1 150 travailleurs d'Aigle Azur depuis vendredi dernier à l'annonce du verdict du tribunal d'Evry. Il est sans appel. "Aucune des offres de reprise n'est retenue", a décidé la justice française, condamnant, ainsi, la compagnie à sa disparition. Placée en liquidation judiciaire depuis septembre dernier, Aigle Azur a, pour rappel, intéressé quatorze compagnies françaises et étrangères, mais uniquement pour des offres partielles. Au final, il ne restait plus que deux offres à examiner par le tribunal de commerce d'Evry, mais sans résultats probants. Il s'agit de l'offre des anciens dirigeants d'Air France, en l'occurrence Lionel Guérin et Philippe Micouleau, et celle de Lu Azur de Gérard Houa, actionnaire minoritaire d'Aigle Azur à hauteur de 19%. "Aucune solution pérenne n'a été proposée par les candidats repreneurs", a estimé Sonia Arrouas, présidente du tribunal de commerce d'Evry. Elle a, d'ailleurs, déploré "les désistements ou les absences d'offres concrètes, l'absence de moyens financiers des candidats crédibles et l'indétermination de la provenance des fonds" ou encore "l'irrecevabilité de certaines propositions". Aussi, le liquidateur dispose, désormais, de quinze jours pour procéder au licenciement de tout le personnel (français et algérien). Une assurance spéciale est, alors, délivrée par l'Etat français pour régler les salaires et les indemnités des 1 150 travailleurs qui viennent grossir le rang des chômeurs sans réelles opportunités de retrouver le même emploi auprès d'autres compagnies. C'est d'ailleurs ce même point qui aurait fait capoter toutes les offres de reprise dans l'impossibilité de fournir l'équivalent au personnel d'Aigle Azur. Perturbation du trafic aérien France-Algérie Les 350 salariés d'Aigle Azur au chômage (emplois directs en Algérie) ne seront pas la seule incidence de la disparition de la compagnie Aigle Azur du marché algérien. Selon une source algérienne spécialiste du domaine aérien, "l'impact économique sera très conséquent pour le transport aérien". Il explique : "Une forte perturbation du trafic France-Algérie est inéluctable avec une explosion des prix des billets (plus chers) à cause de la diminution de l'offre, et cela va durer plusieurs mois, voire une année, avant que la situation ne revienne à la normale", car, note-t-il, "sur 4,5 millions de passagers entre la France et l'Algérie, la compagnie Aigle Azur assurait le déplacement à 1,88 million de passagers à elle seule (chiffre 2018), soit 28% de l'offre". Il faudra s'attendre, par ailleurs, à une baisse de l'activité aéroportuaire qui portera un coup dur en termes de revenus. À ce propos, notre source précise qu'"une grande partie des aéroports d'Algérie, notamment à l'intérieur du pays, vivaient en grande partie grâce à des rentrées d'argent issues de leur activité avec Aigle Azur, dont notamment la redevance passagers et ce, à Béjaïa, Constantine, Sétif, Tlemcen et Oran à hauteur de 50% et 30% pour Alger". Avec la liquidation de la compagnie, les créneaux horaires d'Aigle Azur vont être redistribués selon les règles européennes qui en réservent la moitié aux "nouveaux entrants" et l'autre moitié aux compagnies déjà en place. Autrement dit, ils seront réattribués au bout d'un mois par l'Association pour la coordination des horaires (Cohor) aux compagnies implantées à Orly. "Pour pouvoir bénéficier de ces slots, il faut déjà rentrer dans le quota du pays", a indiqué notre source, soulignant que "les créneaux horaires entre la France et l'Algérie font l'objet d'accords bilatéraux et, de ce fait, ils sont attribués à hauteur de 50% à chaque partie". "Cela ne signifie pas qu'Air Algérie peut récupérer les créneaux d'Aigle Azur car ces derniers appartiennent exclusivement à la France et que seule une compagnie française peut en disposer", précise notre source. Une grande perte pour l'Algérie et pour Air Algérie ou Tassili Airlines, qui auraient très bien pu profiter de cette aubaine. "Tassili Airlines a présenté une lettre d'intention mais sans aller jusqu'au bout de son offre", nous a confié notre source, soutenant que "la compagnie appartenant au groupe Sonatrach aurait constitué un très bon candidat et cela aurait pu beaucoup apporter à l'Algérie qui traîne les pieds dans le domaine". Résultat des courses, ce sera Air France qui bénéficiera de la fin d'Aigle Azur. "La moitié des créneaux d'atterrissage et de décollage à l'aéroport d'Orly doit être redistribuée au prorata de l'activité lui revenant en grande partie", a déclaré Bruno Forey de la CFDT, le premier syndicat de la compagnie, également membre du comité social et économique de l'entreprise.