Selon des sources concordantes, une cinquantaine d'arrestations, dont des journalistes, ont été opérées par la police. Alger a été, hier, fidèle au rendez-vous. Les manifestants se sont mobilisés contre le système pour le 33e vendredi consécutif. "Pas de vote à Alger." Les Algérois ont occupé, hier après-midi, les rues de la capitale pour scander leurs slogans fétiches et dire leur attachement à leur volonté de pousser au changement du système politique. Si les Algérois étaient moins nombreux à sortir dans la matinée à cause, notamment, des arrestations quasi systématiques de tous ceux qui étaient soupçonnés de vouloir marcher, rien n'a pu empêcher une marée humaine d'investir les principales artères de la capitale dès la fin de la prière du vendredi. Peu avant 14h, la rue Hassiba-Ben Bouali était déjà noire du monde. La procession, compacte, éprouvait du mal à avancer vers la place Mauretania où des policiers bloquaient, comme chaque vendredi, l'entrée de la trémie qui fait jonction avec le boulevard Amirouche. "Makanche el-intikhabat" (Pas d'élection), "Chaâb yourid el-istiklal" (Le peuple veut son indépendance) sont les slogans les plus scandés par des manifestants qui ne semblaient pas impressionnés par les dizaines de policiers alignés de part et d'autre de la chaussée. Les agents de la Sûreté nationale, qui ont rivalisé de zèle dans la matinée lorsqu'ils opéraient des arrestations, ont cessé d'intervenir. Ils regardaient la procession qui avançait. "Asmaâ ya el-Gaïd, dawla madania" ont repris en chœur les manifestants. Pendant ce temps, la place Maurice-Audin paraissait plus calme. Quelques centaines de manifestants sont allés rejoindre les marcheurs venus de la place des Martyrs et de Bab El-Oued. En attendant, des milliers d'autres manifestants descendaient la rue Didouche-Mourad. Quelques minutes ont suffi pour que des dizaines de milliers de marcheurs fassent jonction au niveau de la célèbre place de la capitale. Des pancartes portant des inscriptions telles que "Yetnehaw gaâ" ou encore des photographies des détenus politiques du hirak sont exhibées. "Alger ma tvotiche" (Alger ne votera pas), "Libérez les détenus", "Djazaïr horra dimocratiya" (Algérie libre et démocratique) s'égosillent des milliers de personnes dans une ambiance festive. Les chants et autres roulements de tambour, disparus depuis longtemps, ont même retrouvé leur place lors de la manifestation d'hier. Mais avant cette ambiance festive, il y a eu un climat de tension. La matinée, les policiers ont procédé à des interpellations musclées. Ils ont même innové dans l'intimidation : contrôle d'identité, arrestation quasi systématique de jeunes, utilisation de fourgons banalisés. Une cinquantaine d'arrestations, dont des journalistes, ont été opérées selon des sources concordantes. Mais cela n'a pas découragé les manifestants. Bien au contraire. Pour marquer la commémoration des événements d'Octobre 1988, les militants de l'association RAJ (Rassemblement Actions Jeunesse) ont saisi l'occasion de cette manifestation, qui intervient la veille du 5 Octobre, pour déposer une gerbe de fleurs à la mémoire des jeunes morts lors de ces tragiques événements qui ont poussé le régime à ouvrir le pays au multipartisme. C'est aussi une manière de rappeler que 31 ans après, les Algériens réclament toujours une vraie démocratie.