En votant massivement pour Kaïs Saied, la jeunesse tunisienne s'attend logiquement à une meilleure prise en charge de ses préoccupations. L'universitaire Kaïs Saïed, 61 ans, a été élu, dimanche, président de la République en Tunisie à la faveur d'une large victoire contre son rival, Nabil Karoui. Il a été crédité de plus de 70% des voix (76% selon l'institut de sondage tunisien Sigma), en attendant les résultats officiels qui devront être communiqués aujourd'hui par l'Instance de surveillance des élections (Isie). Les défis auxquels fera face le fraîchement élu président s'annoncent déjà nombreux. Sur le plan institutionnel d'abord. Face à une Assemblée de représentants du peuple (ARP) qui a été élue entre les deux tours de l'élection présidentielle, se pose d'ores et déjà la question de la gouvernance. Avec un Parlement qui n'a pas jusqu'ici constitué une majorité, le président Kaïs Saied risque de se retrouver devant une situation inédite. Les résultats des législatives n'ayant pas permis l'émergence d'une tendance franche et les alliances entre les différents partis s'annonçant des plus compliquées, Kaïs Saied risque de faire face à une situation de blocage du Parlement, alors que ce dernier, à la faveur de la Constitution de 2014, concentre tous les pouvoirs. À ce stade, il n'est même pas sûr d'ailleurs que le parti d'obédience islamiste, arrivé en tête des résultats des législatives en remportant 52 sièges, contre 38 pour Qalb Tounes (Cœur de Tunise) de Nabil Karoui, arrivé en deuxième position, en plus des autres partis qui siégeront à l'Assemblée du peuple, puissent constituer une majorité à même de présenter un Premier ministre. Dans un entretien accordé à Liberté, le 6 octobre, le politologue tunisien Larbi Chouikha n'a pas exclu le risque que la Tunisie se retrouve avec un Parlement complètement émietté et dont les conséquences peuvent conduire à de sérieux blocages. "Dans ce cas précisément, la question de pouvoir dégager une majorité parlementaire cohérente et stable se posera avec acuité. Le risque de re-convoquer les électeurs pour une législative anticipée dans trois mois peut logiquement se produire si aucune majorité parlementaire n'a pu se dégager", a-t-il prévenu. Les autres questions sur lesquels le président tunisien Kaïs Saied sera attendu ont trait au volet socioéconomique. Environ 90% des électeurs de 18 à 25 ans ont voté pour l'universitaire, selon les estimations des sondages, contre seulement 49,2 des plus de 60 ans. La jeunesse tunisienne en votant massivement pour M. Saied s'attend logiquement à une meilleure prise en charge de ses préoccupations. Avec un chômage endémique dépassant 15% et un taux d'inflation oscillant entre 6 et 7%, après avoir atteint 7,5% l'an dernier, le défi pour Kaïs Saied est de taille. Il en est de même en ce qui concerne la lutte contre la corruption. Figurant parmi les priorités de M. Saied, les Tunisiens suivront de très près les réformes qu'engagera sur ce plan leur président. Pour l'ancien diplomate tunisien, Dr Mohamed Sahbi Basly, cité par des médias, "Kaïs Saied a été élu dimanche président en grande partie pour son programme à libérer la Tunisie de l'emprise de la corruption, du clientélisme et de la contrebande", a-t-il soutenu, en ajoutant que "dans un combat politique, choisir la lutte contre la corruption comme une motivation politique pour accéder au pouvoir est un exercice extrêmement difficile et qui peut être voué à l'échec".