Les Tunisiens vont aujourd'hui aux urnes pour choisir leur Président de la République, entre Kaïs Saied et Nabil Karoui. Les interrogations sur les dessous de ce choix pourraient trouver leurs réponses dans les programmes des deux candidats. Le taux de participation risque d'être faible, en raison du long marathon électoral. Le second tour de la présidentielle tunisienne opposera des personnalités qualifiées de «novices» en politique. En les choisissant, les électeurs ont clairement voulu sanctionner le pouvoir en place. Les urnes décideront, aujourd'hui, lequel de ces deux candidats est le mieux à même de satisfaire aux attentes du grand public. Pour voir plus clair, El Watan revient sur les propositions de Kaïs Saied et Nabil Karoui pour redresser la barre de la Tunisie en pleine crise socioéconomique. Le poste de président de la République en Tunisie renvoie à des attributions limitées, notamment dans la Défense et la diplomatie, vu que le régime politique est plutôt parlementaire. Pourtant, la bataille a été sans merci pour accéder au palais de Carthage. Par ailleurs, tous les candidats ne parlent que de redressement socioéconomique. A ce titre, l'axe fondamental du programme de Nabil Karoui, c'est d'instaurer un pacte national contre la pauvreté. «Un million de Tunisiens se trouvent sous le seuil de la pauvreté. Deux autres millions risquent de les rejoindre s'il n'y aura pas d'initiative nationale, réunissant la classe politique, les organisations nationales et la société civile, pour éviter ce grave dérapage», ne cesse de répéter le magnat des médias. Karoui a percé dans les bas fonds du pays grâce à son ONG Khalil Tounes, qui assiste les plus démunis, en organisant des caravanes de santé et en faisant des coups d'éclat sociaux, que la chaîne Nessma met en valeur. Karoui parle aussi de start-up pour les jeunes et de ses «capacités technico-commerciales pour mieux vendre la Tunisie en Afrique». Cette population pauvre et ces jeunes ont constitué ses cibles lors du débat électoral d'avant-hier. Propositions De son côté, l'universitaire Kaïs Saied s'adresse à ces mêmes franges de la population, les pauvres et les jeunes. Mais, Saïed veut leur «donner le pouvoir» à travers un régime politique qui s'organise de bas en haut, en commençant par les «Conseils locaux dans chaque délégation». Lors du débat, Nabil Karoui a posé une question à Kaïs Saied concernant le chaos pouvant survenir en l'absence d'une locomotive qui gère l'Etat avec un programme conçu selon les besoins nationaux. Saïed a répondu : «Chaque délégation choisit son élu et dresse ses priorités, qui se discutent, d'abord, à l'échelle régionale, avant d'être classées à l'échelle nationale», a-t-il répondu. Saïed n'a pas précisé d'où proviennent les fonds, ni comment le budget de l'Etat sera préparé. A la question de la faisabilité d'un tel changement institutionnel, Saïed a parlé d'un référendum, alternative prévue par la Constitution. Concernant sa réaction si l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) refuse ses propositions, qui nécessitent le soutien des deux tiers des députés, Saïed a dit qu'il les mettait «devant leur responsabilité historique». Cette approche de «retour au peuple, source du pouvoir» revient toujours dans les propos de ce candidat, qui ne se reconnaît pas en El Gueddafi et «ses comités populaires». Promesses Les observateurs constatent que les deux candidats, Saïed et Karoui, s'adressent, spécifiquement, aux larges couches populaires ; toutefois, chacun à sa manière. Karoui veut les faire sortir de la pauvreté, à travers un nouveau modèle de la répartition des richesses, où les riches donnent, indirectement, aux pauvres. Lequel scénario sera conçu dans le cadre du «Pacte National contre la Pauvreté». Karoui a déjà donné l'exemple par son ONG «Khalil Tounes» et les citoyens ont des actions réelles sur Nessma TV. Le magnat des médias veut convaincre les citoyens par la communication. Pour sa part, Kaïs Saied, et même s'il axe certes son programme sur «le pouvoir au peuple», il propose, aussi, que «les hommes d'affaires corrompus de l'ancien régime investissent dans les délégations les plus pauvres, comme indemnisation pour cette Tunisie profonde et en guise de réconciliation nationale». Ainsi, «l'argent volé revient au peuple». Saïed cherche donc, lui aussi, un modèle improvisé de développement, loin des projets classiques. Les deux candidats ne parlent guère en termes d'objectifs chiffrés, avec des lectures rationnelles. S'il est vrai que ces questions ne sont pas dans leurs prérogatives essentielles, les deux hommes se sont rués vers ces thèmes pour amadouer les foules, très sensibles à ces discours. Les sondages et les enquêtes d'opinion sont interdits officiellement, en campagne électorale, mais ils circulent sur les réseaux sociaux. Il en ressort que le taux de participation serait encore en baisse, par rapport aux 41% des législatives et 52% du 1er tour. Les électeurs seraient, d'une part, usés par le marathon electoral. D'autre part, la frange des insatisfaits s'est élargie. Certains électeurs ne veulent ni de Saïed ni de Karoui. Du coup, ils boycottent le scrutin. Ces mêmes sondages donnent Saïed en tête des intentions de vote. Mais, les urnes décideront du prochain président de la Tunisie.