La mise en garde de Belkacem Zeghmati à l'adresse des magistrats n'a pas eu l'effet escompté à Oran. "Tous les magistrats ont répondu à l'appel à la grève du syndicat national. Nous considérons que le mouvement opéré par le ministre de la Justice est inopportun et, à bien des égards, arbitraire à l'endroit de la majorité d'entre nous", a déclaré, hier, un magistrat à la cour d'Oran, où de nombreux fonctionnaires de justice s'étaient rassemblés. Les activités judiciaires de six tribunaux correctionnels (Oran, Es-Sénia, Arzew, Oued Tlélat, Aïn El-Turck et Gdyel) ont été paralysés, selon un autre magistrat, qui a affirmé que la grève était "suivie à 100%". Certains magistrats ont, sous le couvert de l'anonymat, dénoncé le mouvement opéré par le département de Belkacem Zeghmati, qu'ils ont qualifié d'"inopportun" et de "discrétionnaire". "Le timing choisi et certaines mutations posent problème", a déploré un juge, en évoquant les "lourdes incidences sociales" sur certains magistrats (couples séparés, impossibilité de changer les enfants d'école, mutations aux allures de sanctions…). "De plus, je ne suis pas sûr que la loi a été rigoureusement respectée par le ministère. On nous dit que les époux ne doivent pas exercer dans une même juridiction, or un couple a justement été muté ici", a souligné un autre magistrat, dont l'épouse a été envoyée dans une autre wilaya. Les magistrats ont également reproché à Belkacem Zeghmati des mutations-sanctions contre des magistrats qui, selon eux, méritent plus d'égards compte tenu de leur expérience et de leur apport à la justice. Concernant l'argument de magistrats impliqués dans des affaires de corruption invoqué par le garde des Sceaux, les grévistes ont estimé que le ministère devrait prendre les mesures qui s'imposent contre les fonctionnaires concernés. Conformément à l'appel du SNM, les magistrats d'Oran poursuivront le débrayage jusqu'à ce qu'un compromis soit trouvé avec le ministère de tutelle. "Nous savons ce que nous risquons mais nous sommes déterminés", a affirmé l'un des magistrats, qui a tenu à relever que, contrairement aux idées reçues, la situation du fonctionnaire de justice n'est pas très reluisante. Il reste que de nombreux observateurs espèrent que ce mouvement de grève corporatiste se transformera en une dynamique de changement pour une justice libre et indépendante.