Selon les observateurs, le ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, est visé par la diatribe, dès lors qu'il ne cesse de multiplier les manœuvres et les communiqués dans l'espoir d'étouffer le mouvement de protestation. Hier, pour le deuxième jour consécutif, les activités des tribunaux, des cours et de la Cour suprême ont été paralysées par une grève inédite du corps de la magistrature. Selon le dernier communiqué rendu public par le SNM (Syndicat national des magistrats) à l'issue d'une réunion de son bureau, le taux de suivi a gagné deux points en vingt-quatre heures. Il caracole désormais à 98%. L'instance syndicale a, par ailleurs, exhorté certaines parties dans les milieux judiciaires de "cesser immédiatement les pressions exercées sur les magistrats grévistes et (de) respecter leur décision". Il n'a pas identifié clairement, néanmoins, "ces parties" qui s'échinent à torpiller le mouvement. Selon les observateurs, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati, est visé, quasi exclusivement, par la diatribe, dès lors qu'il ne cesse, depuis l'annonce du débrayage, de multiplier les manœuvres et les communiqués dans l'espoir d'étouffer rapidement le mouvement de protestation. Dans la soirée de dimanche à lundi, le département qu'il administre a jeté la suspicion sur l'authenticité de l'écrit dans lequel le CSM (Conseil supérieur de la magistrature) a fait état du gel du mouvement annuel des magistrats, principale cause de la colère du corps. Quelques heures auparavant, il avait incité les juges "s'estimant lésés" par leur affectation à introduire des recours, sous-entendant qu'ils devraient, dans l'intervalle, reprendre du service. Dans la journée d'hier, il a été démenti par le CSM, lequel a affirmé qu'il n'a pas pu faire valoir pleinement ses prérogatives dans cette affaire. Il aurait été destinataire, par le ministère de tutelle, de la liste des mutations sans qu'il soit associé à son élaboration. La démarche est, certes, alambiquée, car le mouvement touche 2 998 magistrats — soit pratiquement la moitié du corps — sans l'aval du CSM et du SNM et en l'absence du premier magistrat du pays, c'est-à-dire le président de la République, qui n'est pas encore élu près de six mois après la démission forcée d'Abdelaziz Bouteflika. Dans une déclaration publique, le président du SNM, Issad Mabrouk, a fait montre de la détermination des magistrats à ne pas actionner la marche arrière tant que leurs revendications ne sont pas satisfaites. Pressentant probablement que la partie ne sera pas gagnée aisément, le SNM a donné de nouvelles orientations à ses membres grévistes. Désormais, les procureurs de la République devront libérer les prévenus dont la durée réglementaire de la garde à vue expire, sans même examiner les dossiers ni dans le fond ni dans la forme. En revanche, les magistrats impliqués dans l'organisation de l'élection présidentielle du 12 décembre prochain sont instruits de poursuivre leur mission sans se préoccuper de la grève.