La systématisation des mandats de dépôt a, visiblement, créé un sentiment d'inquiétude chez les parlementaires qui ont décidé de se solidariser pour rejeter toute demande de levée de l'immunité parlementaire à leurs pairs. Coup de théâtre, hier, à la Chambre haute du Parlement. Les sénateurs ont refusé de lever l'immunité parlementaire demandée par le ministère de la Justice à deux de leurs pairs, en l'occurrence Sid-Ahmed Ouraghi et Ali Talbi. En effet, lors d'une séance de vote organisée au Conseil de la nation, l'urne a donné 54 voix pour la levée de l'immunité et 54 voix contre pour le sénateur Sid-Ahmed Ouraghi, alors que 19 votants seulement étaient pour la levée de l'immunité pour Ali Talbi contre 93 voix qui s'étaient opposées pour que ce sénateur garde son immunité. Dans le cas du sénateur Sid-Ahmed Ouraghi, et conformément au règlement intérieur, l'égalité des résultats signifie clairement que le concerné garde son immunité. Que s'est-il passé pour que ces deux sénateurs échappent aux procédures enclenchées à leur encontre par le ministre de la Justice Belkacem Zeghmati ? La demande de levée de l'immunité parlementaire pour ces deux sénateurs introduite par le ministère de la Justice était-elle moins motivée pour que les sénateurs votent en faveur de ces deux membres, sachant que des sénateurs sont bel et bien passés à la trappe devant la même Chambre du Parlement pour les mêmes motifs ? Les deux miraculés avaient-ils fait un travail de lobbying et de coulisses pour gagner la sympathie de leurs pairs du Sénat ? Le dossier transmis par le ministère de la Justice contenait-il des éléments suffisants à même de convaincre les membres du Conseil de la nation d'accepter la levée de l'immunité parlementaire aux sénateurs concernés ? Les questions restent, en tout cas, posées. Toujours est-il que la commission des affaires juridiques du Conseil de la nation s'est réunie le 17 octobre 2019, sous la présidence de Noureddine Belatrache, et a examiné la procédure de levée de l'immunité parlementaire à ces deux sénateurs suite à la demande du ministre de la Justice portant activation de la procédure classique. Ce jour-là, ladite commission avait entendu le sénateur Ali Talbi et a pris acte de ses déclarations consignées dans un procès-verbal, suivi d'un rapport. Quant au sénateur Sid-Ahmed Ouraghi, en fuite à l'étranger, ladite commission a épuisé les procédures de levée de son immunité parlementaire et a préparé son rapport, avant de le soumettre au bureau du Conseil de la nation. Autrement dit, la procédure a été respectée de bout en bout, y compris pour le sénateur en fuite. À la fin, cela n'a pas empêché les sénateurs d'exprimer un niet catégorique à la demande du ministre de la Justice qui vient, ainsi, d'essuyer un troisième refus de levée de l'immunité parlementaire. Il faut dire que la systématisation des mandats de dépôt a créé un scepticisme généralisé chez les parlementaires qui, visiblement, ont décidé de se solidariser pour rejeter, eux aussi et systématiquement, toute demande de levée de l'immunité parlementaire à leurs pairs. Pour rappel, après la série de levées de l'immunité parlementaire à plusieurs députés, l'APN avait refusé lors d'un vote organisé, au mois de septembre dernier, de lever l'immunité à Ismaïl Benhamadi. Ainsi, l'urne avait donné 156 voix contre la levée de l'immunité du député du parti du Front de libération nationale (FLN) de Bordj Bou-Arréridj, alors que 131 ont voté pour, tandis que 45 députés se sont abstenus.