Après huit jours de grève, pas de signe de dénouement du conflit qui oppose les magistrats à la chancellerie. Le Syndicat national des magistrats (SNM) et le Club des magistrats d'Algérie ont répondu hier, simultanément, et sur un ton particulièrement virulent, au ministre de la Justice, garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati, qui, dans un communiqué rendu public jeudi, a réitéré sa décision de maintenir le mouvement dans le corps des magistrats avec, toutefois, la possibilité pour eux de déposer un recours auprès du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), à condition qu'ils aient rejoint leurs nouveaux postes. En réaction à cette injonction, le président du SNM, Issad Mabrouk, a appelé le ministère de la Justice à "cesser sa gestion policière de la crise qui constitue une provocation vis-à-vis des magistrats", avertissant que le SNM "n'assumera pas les conséquences qui en découleront". Et d'ajouter que "le combat que livrent les magistrats contre le pouvoir exécutif ne revêt pas un caractère sectoriel dans le seul but de servir leurs intérêts personnels parce qu'ils ne sont pas membres de la bande, ni ne font partie de ses relais. Les magistrats n'ont pas besoin de recevoir des leçons de patriotisme ou de bon jugement". Le SNM s'est exprimé aussi sur la suspicion de l'opinion publique vis-à-vis de sa revendication relative à l'indépendance de la justice, jugeant cette méfiance "étrange et non compréhensible". Tout en laissant la porte ouverte à toute initiative susceptible de dénouer la crise, le SNM insiste sur "la préservation de l'autorité de l'Etat, la dignité des magistrats et l'intérêt des justiciables". Issad Mabrouk soutient qu'en l'absence d'une solution consensuelle, "la protestation se poursuivra à la même cadence et avec la même détermination et surtout avec une discipline susceptible de préserver le mouvement de toute action irréfléchie". Le SNM avertit : "Toucher à un magistrat expose à la colère de tous, et à ce moment-là, la réaction du syndicat sera violente quelles qu'en soient les conséquences." De son côté, le porte-parole du Club des magistrats d'Algérie, Saâd-Eddine Merzoug, estime que le ministre de la Justice s'enlise dans "un déni de la réalité du terrain" et rappelle que la grève des magistrats a connu un taux de suivi oscillant entre 96 et 98%. "La situation du pays, en général, et du secteur de la justice, en particulier, dépasse la question de savoir si la grève des magistrats est légale ou pas de la part d'un ministre de la Justice illégitime appartenant à un gouvernement désigné par les forces anticonstitutionnelles contre la volonté du peuple", a asséné Saâd- Eddine Merzoug. Les juges et les procureurs sont en grève illimitée depuis dimanche dernier pour réclamer l'annulation des décisions d'affectation de près de 3 000 d'entre eux, soit la moitié des effectifs, selon Saâd-Eddine Merzoug. "Le pouvoir politique a empiété sur les prérogatives du Conseil supérieur de la magistrature en décidant d'un mouvement de cette envergure en un temps record", accuse ce magistrat. Dans ses communiqués successifs, le ministère de la Justice se défend en affirmant que les changements contestés ont été validés à l'unanimité par les membres de cette instance.